Thématiques absentes, cadre légal flou... Les mesures prises par Didier Guillaume pour le bien-être animal déçoivent les acteurs de la protection animale. © /Cheick Saidou/agriculture.gouv.fr
Le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation Didier Guillaume a dévoilé son plan gouvernemental pour « la protection et l’amélioration du bien-être animal » (28/01/2020). Certaines mesures étaient déjà attendues et l’ensemble s’avère peu ambitieux. Pour la Fondation 30 Millions d’Amis, le compte n’y est pas.
Interdiction de la castration à vif des porcelets et du broyage des poussins, sensibilisation au bien-être animal dans l’enseignement agricole, ou encore, sanction pour non-identification de son animal de compagnie… Les mesures prises par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation – décidées sans concertation avec les ONG de protection animale et opportunément annoncées à quelques semaines des élections municipales – semblent indiquer une très (trop !) timide prise de conscience politique en faveur du bien-être animal. Et des questions cruciales restent éludées.
Déjà annoncée par Didier Guillaume le 17 novembre 2019, la fin de la castration à vif des porcelets et du broyage des poussins est réaffirmée… pour une entrée en vigueur « d’ici fin 2021 ». Or, ces pratiques cruelles pourraient d’ores et déjà être évitées au regard des techniques disponibles. Et épargner dès maintenant une barbarie pour des millions de bébés animaux.
Déjà interdite dans plusieurs pays (Norvège, Suède, Suisse, Allemagne…), la castration sans anesthésie concerne 85% des porcs mâles des élevages français, soit 27 000 animaux chaque jour ! Elle vise à prévenir l’éventuelle apparition d’une odeur à la cuisson de la viande ! Cette pratique douloureuse est d’autant plus incompréhensible que des alternatives à indolores existent et sont utilisées chez nos pays voisins (vaccin anti-odeur…).
De même, 50 millions de poussins mâles sont broyés chaque année en France car considérés comme pas assez « rentables ». Or, depuis début 2019, l’Allemagne commercialise déjà des œufs issus de la technique du sexage in ovo. Certes invasive – car elle implique le perçage de la membrane de l’œuf – cette technique déjà opérationnelle outre-Rhin pourrait être généralisée en France sans attendre.
Concernant ces deux mesures, outre le (long) délai de mise en oeuvre, aucune précision sur le cadre légal de sa mise en application, qui reste extrêmement flou.
La réponse politique est très en deçà des exigences éthiques, environnementales et sociétales !
Reha Hutin
Les mesures annoncées par le ministre Didier Guillaume excluent des thématiques majeures en matière de protection animale : rien sur la corrida, rien sur le gavage des oies et des canards, rien sur le débecquage, rien sur l’abattage sans étourdissement préalable, rien sur l’abattage des animaux sur leur lieu d’élevage. Par ailleurs, aucun plan concret de sortie de l’élevage intensif n'est proposé alors que 8 Français sur 10 veulent en finir avec ce modèle (Sondage Fondation 30 Millions d’Amis / Ifop, janvier 2020).
En matière de lutte contre l’abandon, il est seulement prévu d’interdire la vente ambulante d’animaux (dans des véhicules type camionnettes sur les parkings des supermarchés par exemple, NDLR) et d’encadrer cette vente dans les foires ou expositions. La vente par petites annonces semble également dans le viseur du ministre : une mesure réclamée de longue date par les associations de protection animale ! Rien cependant n’est prévu pour interdire la vente des animaux en animalerie, pourtant source de nombreux abus, qui favorise l’acquisition « coup-de-cœur » et engendre des abandons en masse. Outre-Manche, le Royaume-Uni a lui déjà prévu d’interdire la vente de chiots et de chatons en animalerie. La Californie, elle, interdit la vente des chiens, chats et lapins issus d’élevages industriels depuis le 1er janvier 2019.
Le ministre de l’Agriculture prévoit toutefois de sanctionner les propriétaires de chats – comme c’est déjà le cas pour les propriétaires de chiens – qui n’identifieraient pas leur félin d’une amende de 135 euros. Mais les mesures mises en œuvre pour effectuer les contrôles sont inexistantes : la Fondation 30 Millions d’Amis demande que les associations de protection animale et les vétérinaires soient assermentés pour renforcer ces contrôles et faire appliquer les sanctions.
Pour ce qui concerne la sensibilisation au bien-être animal, selon l’annonce de Didier Guillaume, elle devrait se cantonner aux seuls enseignements agricoles. Or, le respect des animaux s’apprend dès le plus jeune âge et devrait faire l’objet d’un enseignement auprès des élèves en milieu scolaire.
En tout état de cause, il est permis de douter de la volonté politique du ministre sur la fin de l’élevage des poules en cages. Si la loi EGAlim avait interdit, en 2018, tout bâtiment – nouveau ou réaménagé – d’élevage de poules en cage, en novembre 2019, le gouvernement a annoncé vouloir circonscrire la notion de bâtiment réaménagé aux bâtiments qui augmentent leur surface de production en cage. Un bâtiment d’élevage en cage pourra donc être entièrement rénové… à l’identique !
In fine, les mesures annoncées par le gouvernement se révèlent pour les unes, attendues et lointaines, pour les autres, peu ambitieuses. Et beaucoup manquent ! « La réponse politique apportée à la question du bien-être animal est très en deçà des exigences éthiques, environnementales et sociétales, fustige Reha Hutin, Présidente de la Fondation 30 Millions d’Amis. On est bien loin de la "révolution" promise. » Rien d’étonnant, donc, à ce que 75 % des Français considèrent que le gouvernement ne prend pas suffisamment en compte la protection animale dans son action (Sondage Fondation 30 Millions d’Amis /Ifop, janvier 2020).
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