Le 17 décembre 2022 s’éteignait « P-22 », euthanasié pour lui épargner trop de souffrances. Véritable icône – en Californie et au-delà – ce puma était devenu le symbole des animaux sauvages fragilisés par la fragmentation de leur habitat en raison de l’étalement urbain. Victime lui-même, il aura néanmoins inspiré un projet privé de construction d’un écopont à 300 millions de dollars pour préserver d’autres espèces. 30millionsdamis.fr revient sur l’histoire de ce puma star, héraut des siens.
Requiem pour un puma. Le « New York Times », le « Washington Post” et le “Los Angeles Times” aux États-Unis ; “The Guardian” en Grande-Bretagne ; “Le Monde” en France… Ce n’est pas tous les jours que la mort d’un grand félin a l’honneur des colonnes de la presse internationale. C’est qu’il ne s’agit pas de la disparition de n’importe quel cougar, mais de celle de P-22, alias « Hollywood cat ». Un puma devenu une star outre-Atlantique, qualifié publiquement de « mascotte bien-aimée de L.A » par le représentant californien à la Chambre des représentants, et dont la perte a été déplorée par le Gouverneur de Californie en personne.
L’histoire de ce fauve commence dans les Monts Santa Monica , la chaîne de montagnes qui coupe Los Angeles en deux, dont l’une des extrémités (le « Griffith Park ») accueille le fameux « Hollywood sign », en lettres blanches géantes à flanc de coteau. De l’autre côté, dans le parc national des monts Santa Monica, survit tant bien que mal une petite population de pumas, étudiée depuis une vingtaine d’années, isolée sur un territoire trop petit pour qu’elle s’accroisse. En effet, les monts sont traversés par deux des autoroutes les plus fréquentées des Etats-Unis : la 405, et la 101, immenses pièges à ciel ouvert pour tous les animaux souhaitant la traverser. C’est dans cet isolat qu’est né P-22, il y a une douzaine d’années.
Incarnation d’une triste réalité
Baptisé de cet étrange patronyme par le programme d’études (« P » pour « puma », 22 car il est le 22e spécimen identifié), P-22 a été « capturé » par un piège photographique en 2012 à… Griffith Park. Soit de l’autre côté de ses montagnes natales, et donc des deux fameuses autoroutes, qu’il a nécessairement traversées. Coincé, sur un territoire 31 fois plus petit que le minimum estimé pour un animal de son espèce, sans possibilité de trouver une compagne, tout laissait penser qu’il ne resterait pas à Griffith Park. Or, il ne l’a jamais quitté. C’était déjà assez pour en faire une sommité chez les naturalistes. Mais il a ensuite été photographié alors qu’il passait devant le « Hollywood Sign », ce qui a fait de lui une icône. Loin des siens, sa liberté très restreinte par l’urbanisation, avec des perspectives d’avenir limitées : il incarnait bien, au fond, la vie et le destin de beaucoup d’angelenos, les habitants de Los Angeles.
Surtout, il personnifiait le sort des siens, et – au-delà – de nombreux animaux aux destins surdéterminés par les activités humaines. De ceux vivant dans les zones urbaines et suburbaines. Contrairement à d’autres espèces (comme les éléphants ou les dauphins notamment), les pumas n’envoient pas « d’ambassadeurs ». C’est pourtant bien la fonction que P-22 a rempli presque toute sa vie. Chacun de ses passages devant un piège photographique (il y en a eu d’innombrables) faisant l’objet d’une couverture médiatique, ils étaient aussi l’occasion de rappeler l’ampleur du massacre causé par les « roadkills » (littéralement « morts routières », NDLR), et plus largement par la fragmentation des habitats des animaux sauvages. Tant et si bien que son image, et d’ailleurs son sort, ont servi de support à une campagne d’appel aux dons pour la construction d’un écopont visant à désenclaver les monts Santa Monica. Campagne couronnée de succès (l’écopont devrait être achevé en 2025), probablement en partie grâce au ‘’soutien’’ du puma le plus célèbre de l’histoire.
Hommage mondial
P-22 était déjà âgé pour un puma sauvage, dont l’espérance de vie moyenne ne dépasse pas les 10 ans. Depuis quelques mois déjà, il s’illustrait par des comportements inhabituels : prédation d’animaux domestiques, intrusions plus fréquentes chez des particuliers (son lieu de vie bordant des quartiers habités)… Jusqu’à ce 12 décembre 2022, où il a été capturé – physiquement cette fois – chez une habitante (par ailleurs ravie d’être approchée par une célébrité d’aussi près). Après analyses médicales, le diagnostic, terrible, est tombé : « Hollywood cat » ne pouvait plus continuer son aventure. Organes internes abîmés, blessures à l’œil, à la tête, résultats probables d’une ultime traversée routière un peu trop malchanceuse. Sans parler des effets du temps : arthrite, défaillance rénale…Les services vétérinaires de l’Etat ont dû se rendre à l’évidence, et P-22 a fini, paisiblement, sa célèbre existence.
Gouverneur de Californie, membres de la Chambre des représentants, ONG, anonymes… les hommages rendus ont été innombrables. Le plus beau est probablement l’éloge funèbre rédigé par Beth Pratt, directrice pour la Californie de la National Wildlife Federation, la plus grande association environnementale des Etats-Unis : « Il nous a changé […] nous a rendu plus humains, nous a connecté à la partie sauvage en nous. […] Son héritage ne s’effacera jamais. […] Il a montré au monde entier que nos communautés sont plus belles et plus sûres quand les gens et les animaux sauvages peuvent vivre en harmonie. » On ne saurait mieux dire.
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