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Biodiversité

Traité pour la protection de la haute-mer : entre réjouissance et prudence

Les tortues marines, comme de nombreuses espèces en danger, ont terriblement besoin d'une protection, y compris en haute-mer. © Adobestock.

Après une quinzaine d’années de discussions, les États-membres de l’ONU ont enfin signé un traité permettant d’envisager une protection de la haute-mer, et donc des animaux qui y vivent. Qualifiée « d’historique », cette signature n’est cependant qu’une première étape. Autrement dit, il faut encore être prudent avant de s’enthousiasmer, prévient la Fondation 30 Millions d’Amis.

Dans la nuit du 4 au 5 mars 2023, les États membres de l’ONU sont parvenus à un accord pour la protection de la biodiversité marine de haute-mer. Il en résulte un « traité sur la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale Â» (ci-après appelé « traité pour la protection de la haute-mer Â»). Une fois intégré dans le droit interne de chaque Etat, il deviendra contraignant pour ceux qui l'ont signé. Les États, mais aussi certaines ONG, ont qualifié cet accord d’historique.

Des avancées notables

Le qualificatif se comprend, tant le processus de négociation a été long, mais aussi parce que la haute-mer (c’est-à-dire les eaux qui ne sont soumises à aucune juridiction nationale) était quasiment dénuée de toute protection. Or, s’y déploient de nombreuses espèces animales (et végétales) : l’absence d’encadrement juridique de ces espaces empêchait donc que soient préservés des milieux pourtant fondamentaux pour la biodiversité. De nombreuses activités délétères pour ces espaces s’y exercent donc sans contrôle ou presque (pêche industrielle, pose de câbles sous-marins, exploitation des ressources minérales…). Le simple fait qu’un accord soit trouvé est donc intrinsèquement « historique Â».

 

L'accord est une bonne nouvelle, mais nous restons très prudents.

Elodie Pouet, porte-parole de Sea Shepherd France.

Le contenu de l’accord appelle cependant à rester plus modeste que le qualificatif d’historique ne le laisse entendre, même s’il contient des avancées notables. En particulier, le texte permet la création d’aires marines protégées (AMP) en haute-mer, ce qui était impossible en l’absence d’accord international ; la haute-mer étant, encore une fois, hors de toute juridiction nationale. Sur ce point et plus précisément, le texte prévoit que des AMP peuvent être créées à l’initiative d’une des « parties Â» (un des États signataires) – si les autres parties en sont d’accord – ainsi qu’un mécanisme permettant de décider de ces créations sans obtenir une unanimité. C’est cet aspect qui est le plus mis en avant par les ONG.

Autre élément important pour les animaux : l’accord prévoit par ailleurs des mécanismes pour contraindre les États à évaluer l’impact environnemental des activités projetées en haute-mer. S’il devait fonctionner efficacement, cela pourrait permettre de limiter sérieusement les atteintes aux espèces vivant dans ces milieux.

Un long processus avant une possible entrée en vigueur du texte

Le texte, cependant, est encore loin d’être entré en vigueur : il faudra d’abord qu’il soit officiellement signé, puis chaque État signataire doit encore ratifier le texte, et il n’entrera en vigueur que lorsque 60 Etats l’auront fait. Ces processus peuvent être (très) longs : par exemple, la convention dite de « Montego bay Â» sur le droit de la mer avait été signée en 1982, mais ne s’est appliquée qu’à partir… de 1994 ! Il y a donc encore loin de la coupe aux lèvres, ce qui explique que certaines ONG demeurent prudentes, comme le souligne Elodie Pouet, porte-parole de Sea Shepherd France, jointe par 30millionsdamis.fr : « Le traité n’est pas encore ratifié, et on ne connait par ailleurs pas encore les détails du contenu définitif : le fait d’être arrivé à un accord est donc une bonne nouvelle en soi, mais nous restons très prudents. Â»

Interviewé sur France bleu, Frédéric le Manach, directeur scientifique de l’association Bloom, rappelle également que les règles relatives à la création de nouvelles AMP sont lourdes et complexes. Arnaud Gossement, avocat en droit de l’environnement, soulève aussi ce point sur son compte twitter: les nouvelles AMP pourront certes être créées sans unanimité des États parties, mais il faudra tout de même deux votes (un à la majorité des deux-tiers, l’autre à la majorité des trois-quarts) pour surmonter une opposition.

Un premier pas, a minima…

De leur côté, des ONG telles que Greenpeace ou le WWF préfèrent insister sur la victoire que représente la signature d’un accord après autant d’années de tractations. Le WWF met notamment en perspective  la possibilité de créer des AMP avec l’objectif de 30 % de zones protégées sur la planète d’ici 2030, objectif inscrit dans l’accord de Kunming-Montréal, que l’accord sur la haute-mer permettra peut-être de matérialiser.

Pour autant, tant Greenpeace que le WWF tempèrent aussi l’enthousiasme général en soulignant qu’il s’agit surtout d’un premier pas. Il faudra encore surveiller la suite du processus, la mise en Å“uvre concrète des promesses de l’accord, et notamment la question des activités qui seront interdites ou autorisées dans les AMP. Elodie Pouet rappelle à ce titre que « quand on voit les difficultés qu’on rencontre à contraindre l’État à protéger les dauphins dans le golfe de Gascogne, alors qu’il s’agit d’une obligation claire, on est dubitatifs sur la protection effective de la haute-mer, qui est en outre techniquement plus difficile à préserver Â».

… mais la vigilance reste de mise !

Des réserves d’autant plus de mise, qu’en ce moment même, à l’ONU, sont en cours des négociations qui pourraient aboutir… à une exploitation minière à grande échelle des fonds marins ! Or, l’exploitation minière n’est pas interdite par l’accord du 5 mars 2023. Autre mauvais signal : le secrétaire d’État chargé de la mer, Hervé Berville, a vigoureusement affirmé que la France s’opposait à toute interdiction du « chalutage de fond Â» dans les AMP au sein de l’Union européenne…. On est encore loin d’une sanctuarisation des AMP au bénéfice de la biodiversité marine.

La Fondation 30 Millions d’Amis salue – elle aussi – la signature de l’accord sur la protection de la haute-mer, mais appelle à la vigilance en général sur la préservation des écosystèmes marins, vitaux pour de nombreux animaux dont le monde, et les humains, ont tant besoin.