La 15e édition de la « Conférence des Parties » (COP) de la Convention de l’ONU sur la biodiversité vient de se clore. Un accord a été trouvé. Une conclusion saluée par tous, mais un contenu qui divise. 30millionsdamis.fr fait le point.
In extremis. Alors que même dans les derniers jours le fait qu’un accord soit obtenu était incertain, la COP 15 s’est conclue – à la surprise générale – par l’adoption d’un texte signé par toutes les parties, à l’exception notoire de la République Démocratique du Congo (RDC), soit 194 Etats signataires, plus l’Union européenne. Intitulé officiel de l’accord : « Cadre mondial de la biodiversité de Kunning à Montréal » (ou accord de « Kunning-Montréal »). Point crucial toutefois, cet accord n’est pas contraignant (chaque partie s’engage à le mettre en œuvre, mais ne peut être sanctionnée si elle ne le fait pas).
Une feuille de route
Concrètement, le texte est une feuille de route structurée autour de 4 grands objectifs d’une part, et 23 « cibles » permettant de les atteindre, d’autre part. Les objectifs sont supposés être atteints pour 2050 et sont, pour ainsi dire, des déclarations d’intention sur quatre points. Le premier ambitionne de restreindre fortement les atteintes à la biodiversité, notamment en « divisant par dix le rythme d'extinction et le risque pour toutes les espèces d'ici à 2050 ». Quant aux trois autres, ils visent, respectivement : un usage et une gestion durable de la biodiversité ; le partage équitable des ressources génétiques; les moyens de mise en œuvre du cadre.
Les cibles sont plus précises et doivent être, pour certaines, atteintes à l’horizon de la décennie (2030). Ce sont parmi elles que l’on trouve les mesures mises en avant de cette COP 15. Notamment, le fameux projet « 30x30 », qui consiste en ce que 30 % des terres et 30 % des zones marines, côtières et des eaux intérieures soient convertis en aires protégées, d’ici 2030 (cible 3 de l’accord, ces pourcentages étant respectivement de 17 % et de 8 % aujourd’hui).
Il est incongru de considérer comme une réussite ce qui devait être le point d’entrée dans les discussions
Claire Nouvian, Pdte Bloom.
De même, 30 % des zones terrestres ou aquatiques actuellement dégradées devront avoir été restaurées d’ici 2030. A noter dans les deux cas : ces chiffres sont évalués au niveau mondial, et non national ; si des pays pourraient dépasser ces 30 %, d’autres en revanche pourraient rester en-deçà. A souligner également que l’usage de produits chimiques en agriculture est visé par la formulation suivante : « réduire d'au moins la moitié le risque global des pesticides et produits chimiques très dangereux » (cible 7 de l’accord, qui a été difficile à obtenir tant il y avait de désaccords sur ce point).
L'aspect financier
La question financière, fondamentale, est aussi abordée. Les subventions néfastes pour la biodiversité devront ainsi être réduites de 500 milliards de dollars par an d’ici 2030 (elles s'élèvent actuellement environ 1800 milliards de dollars par an, soit 2 % du PIB mondial, selon l'estimation de la coalition « Business for nature »).
On peut aussi mentionner la circonstance que sont reconnus les droits des peuples autochtones sur leurs territoires traditionnels, ce qui est essentiel puisqu’environ 80 % de la biodiversité subsistante se situe sur ces territoires et qu’il y a donc un risque qu’une sanctuarisation éventuelle se fasse au détriment de ces populations.
Enfin, sont aussi notamment traitées la question des espèces invasives ou encore celle les flux financiers des pays développés vers les pays en développement (y compris ceux qui ne sont pas parties au traité, ce qui ne concerne que les Etats-Unis). Ce dernier point a occupé beaucoup de temps de discussion, et est considéré comme insuffisant par de nombreux États africains, concernés au premier chef.
Des réactions très contrastées
De nombreuses ONG de protection de la nature se montrent toutefois réservées, si ce n’est plus, sur le contenu de cet accord. Pierre Cannet, directeur du plaidoyer du WWF France considère, sur twitter, que le texte « ne casse pas la baraque, mais vient au moins sauver les meubles ». Greenpeace, si elle se félicite de ce que les droits des peuples autochtones soient reconnus, regrette que la COP 15 « n’a pas réussi à concrétiser l’ambition, fournir les outils, ni trouver les moyens financiers nécessaires à enrayer la sixième extinction »
L'accord ne casse pas la baraque, mais vient au moins sauver les meubles
Pierre Cannet, directeur du plaidoyer du WWF France
Sans les mentionner toutes, la plupart des réactions des ONG sont à l’avenant : le fait qu’un accord ait été signé est salué, certains points sont mis en avant, mais le texte est globalement considéré comme insuffisant sur tous les aspects. Sont en particulier critiqués deux points : l’absence de garanties quant à la mise en œuvre ; le fait qu’aucune activité nuisible n’est explicitement exclue des aires protégées, ce qui les vide de leur sens. L’hypothèse n’est pas d’école : en France par exemple, les aires marines protégées sont, pour l’immense majorité d’entre elles, peu protectrices des espèces puisque les activités industrielles y sont autorisées, ce qui dégrade les milieux.
C’est probablement Bloom qui est la plus sévère. Pour sa présidente, Claire Nouvian, il est « totalement incongru de considérer comme une réussite […] un texte contenant ce qui devait être le point d’entrée des discussions » (Le Parisien).
A contrario, l’accord a été qualifié « d’historique » par de nombreux acteurs, dont la France et l’Union européenne par la voix de la présidente de la Commission. Une dichotomie qui s’explique probablement par la difficulté à obtenir un accord. C’est d’ailleurs le point de convergence de toutes les réactions : le fait qu’un texte soit adopté est salué de toute part… tant c'est presque inespéré. Il faut dire que la COP 15 était fort mal partie. Prévue pour 2020 et décalée deux fois, aucun chef d’Etat n’y était invité (ni ne s’y est rendu à l’exception du premier ministre canadien et du président chinois, respectivement hôte et organisateur). L’existence même de ce sommet était assez confidentielle pour le grand public. Et les négociations y ont été âpres.
Le temps, seul juge de la qualité de l’accord
Nonobstant, il est trop tôt pour tirer un bilan. Ce seront les moyens mis en œuvre et donc l’application de cet accord qui jugeront si le texte était « historique »… ou une coquille vide. C’est d’ailleurs ce qui a fait défaut à l’accord précédent : aucun mécanisme de suivi de la mise en œuvre n’était prévu, et les objectifs n’ont pas été atteints. La Fondation 30 Millions d’Amis appelle par conséquent à la vigilance.
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