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Biodiversité

Echouages de dauphins sur le littoral atlantique : un scandale français ?

Les échouages de cétacés laissent généralement peu de doutes quant à l'origine humaine de leur décès. © Adobestock.

Chaque hiver (de façon recrudescente depuis 2016) s’échouent des milliers de cétacés, des dauphins en particulier, sur les côtes françaises. Malgré l’inquiétude des scientifiques, les alertes des ONG et la pression de l’Union européenne, le gouvernement renâcle à agir efficacement. Ceci alors même que les solutions sont identifiées. La Fondation 30 Millions d’Amis l’appelle à revoir sa copie.

Des cadavres de dauphins par centaines (essentiellement des dauphins communs), échoués sur les plages de Nouvelle-aquitaine ; des ONG qui en appellent à des actions urgentes, en écho à une communauté scientifique de plus en plus alarmée : cet hiver se répète la tragédie des échouages de cétacés sur les côtes françaises. Ce sont en effet plus de 370 individus (essentiellement des dauphins communs) qui ont été trouvés morts sur le littoral néo-aquitain depuis le mois de décembre dernier. Un phénomène devenu tragiquement commun depuis les années 1990, et en forte recrudescence depuis 2016.

On dispose en effet de comptages réguliers et fiables qui sont effectués depuis les années 70 par le Réseau National Echouages (RNE), un réseau de bénévoles coordonné par l’observatoire Pelagis, une structure de soutien à la recherche adossée au CNRS et à l’Université de la Rochelle. Joint par 30millionsdamis.fr, Olivier Van Canneyt, ingénieur d’études au sein de l’observatoire Pelagis, souligne l’ampleur du phénomène : « Si on observait déjà des échouages importants entre les années 1990 et 2000, ça s’était calmé. Mais depuis 2016, chaque hiver on constate de gros évènements de surmortalité, et les échouages sont particulièrement précoces cette année, ce qui est inquiétant. »

Jusqu’à 10 000 cétacés morts du fait des activités humaines

ll précise en outre qu’il s’agit bien d’une « surmortalité », c’est-à-dire « que les individus concernés ne sont pas morts de causes naturelles, mais du fait des activités humaines ». La chose peut être affirmée avec certitude puisque chaque cadavre fait l’objet d’un examen externe par un membre du RNE, et qu’environ 10 % des carcasses sont autopsiées (les morts du fait de la pêche laissant en général des traces visibles). Au bilan, Olivier Van Canneyt souligne que « la cause humaine est certaine pour 90 % des spécimens », à savoir « des captures accidentelles d’engins de pêche ». En outre, les carcasses qui s’échouent sur le littoral ne sont qu’une petite partie de l’ensemble des cétacés tués, puisque l’essentiel des cadavres coulent ou sont emportés loin du littoral. Pour cette raison, l’observatoire Pelagis a mis au point un modèle à partir des conditions de dérive, pour estimer le nombre total d’individus tués. Sur les 5 dernières années, ce sont donc entre 3 000 et 10 000 individus qui ont été victimes collatérales de la pêche (en fonction des années).

 

On observe une forte recrudescence depuis 2016.

Olivier Van Canneyt, ingénieur d'études à l'observatoire Pelagis

Autrement dit, et depuis bientôt sept ans, jusqu’à environ 10 000 cétacés, dont une majorité de dauphins et en particulier de dauphins communs, meurent chaque année au large des côtes françaises du fait des activités humaines, sans que le phénomène soit enrayé… La situation est préoccupante, à tout le moins  : « Pour le dauphin commun, le CIEM [Conseil International pour l’Exploration de la Mer*, NDLR] a mis au point des indicateurs qui permettent d’affirmer qu’à l’échelle de toute l’Europe le déclin de la population est enclenché au-delà de 1000 captures accidentelles par an », confirme Olivier Van Canneyt. Dix fois moins, donc, que l’année la plus meurtrière enregistrée où le nombre d’individus tués a été estimé à 10 000 dans le seul golfe de Gascogne.

Des espèces pourtant protégées et des solutions pourtant connues

C’est pourquoi de nombreuses ONG sont si inquiètes, comme la communauté scientifique qui travaille sur ces espèces. De nombreuses actions ont pourtant été entreprises au cours de la décennie écoulée, et l’Etat a même été condamné en 2020 par le tribunal administratif (TA) de Paris pour manquement à ses obligations de protection des espèces concernées, dans le cadre d’un recours déposé par Sea Shepherd. Le TA a cependant refusé d’enjoindre le gouvernement à adopter les solutions prescrites. De son côté, le Conseil d'Etat, saisi en référé, a rejeté en 2021 les demandes de Sea Shepherd et France Nature Environnement tendant à contraindre le gouvernement à interdire la pêche à certaines périodes de l'année.

Le dauphin commun, comme d’autres espèces impactées, est une espèce protégée, en France comme en Europe. Sa capture est donc illégale par principe. Les captures accidentelles par des engins de pêche sont certes tolérées, mais les pêcheurs ont l’obligation de les déclarer…. Ce qu’ils ne font jamais ou presque. Le Monde rapporte ainsi qu’entre décembre 2020 et avril 2021, 84 captures accidentelles ont été déclarées… contre 900 échouages répertoriés par l’observatoire Pelagis. La difficulté à contrôler les navires explique ce hiatus, et laisse peu d’espoir quant à l’efficacité d’une solution répressive pour endiguer la surmortalité actuellement observée.

La technique ici représentée, dite du chalutage en boeuf, est a priori considérée comme principale responsable des échouages de cétacés.. sans que cela n'explique la recrudescence observée depuis 2016.

Pourtant, si des doutes subsistent concernant les causes de la recrudescence du phénomène, d’autres solutions existent et sont connues. Le CIEM a ainsi déjà recommandé comme mesure d’urgence, d’interdire temporairement certaines zones à la pêche (des « fermetures spatio-temporelles »), solution réclamée tant par les ONG que par les scientifiques qui effectuent le suivi des populations. Si, à moyen et long terme, d’autres voies pourraient être explorées, il semble nécessaire d’agir vite, et fort.

Le gouvernement et les pêcheurs réticents

A cet égard, la réaction du gouvernement français, comme celles des organisations représentant les professionnels de la pêche sont pour le moins décevantes. Le gouvernement avait publié en 2019 un plan d’actions pour la protection des cétacés, et il a en publié un nouveau pour la période 2022-2025, en réponse à un avis critique de la Commission européenne publié l’été dernier (dernière étape avant un éventuel contentieux). Ce plan ne prévoit de fermetures spatio-temporelles qu’à l’horizon 2025 et à condition que les mesures actuellement prévues (dispositifs automatiques d’éloignement des cétacés – « pingers » -, géolocalisation des navires, caméras embarquées…) n’aient pas fonctionné.

 

Pour le dauphin commun, le seuil de déclin de l'espèce est enclenché.

Olivier Van Canneyt

De son côté, le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM) ne se dit prêt à accepter les fermetures que s’il existe une « preuve irréfutable que cela fonctionne » (déclaration faite au journal Le Monde). Mais le temps des preuves irréfutables ne correspond que trop rarement à la capacité de résilience des populations. Et il est difficile de soutenir que les intérêts professionnels des pêcheurs sont éthiquement équivalents à la survie d’une population entière de dauphins communs, d’autant plus qu’il est tout à fait possible, pour les pouvoirs publics, d’indemniser les professionnels lésés, comme le rappelle régulièrement Sea Shepherd.

La Fondation 30 Millions d’Amis appelle donc à son tour le gouvernement français à prendre enfin les mesures adéquates. Dans le contexte de grandes difficultés rencontrées par les espèces sauvages dans leur ensemble, il serait très inquiétant que l’on ne parvienne pas à protéger une espèce aussi emblématique que le dauphin.

*Une organisation intergouvernementale qui produit de l’expertise scientifique en vue de permettre une exploitation durable des mers et océans