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Interview

Allain Bougrain Dubourg : « La ruralité n'est plus le monopole des chasseurs ! »

Pour le président de la LPO, l'opinion des chasseurs ne saurait refléter celle de la ruralité dans son ensemble. ©Pourny Michel Films /MNHN

D'abord autorisée par le gouvernement, la chasse des tourterelles des bois – une espèce menacée – a finalement été suspendue par le Conseil d'État, suite à un recours déposé par la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO). Allain Bougrain Dubourg, Président de l'association et auteur de « On a marché sur la Terre – Journal d'un militant » (éd. des Échappés, 2020), a réagi pour 30millionsdamis.fr.

30millionsdamis.fr : Grâce au recours de la LPO contre l'arrêté du ministère de la Transition Ecologique et Solidaire, le Conseil d'État a décidé de suspendre la chasse de la tourterelle des bois (11/09/2020). Pourquoi le gouvernement s'obstine-t-il, d'année en année, à vouloir faire ce cadeau aux chasseurs ?

Allain Bougrain Dubourg : Constatant que c'est le président de la République qui gère les questions cynégétiques, ce dernier semble avoir la conviction qu'avec de telles décisions, il gagne le soutien de la ruralité. Or, notre pays compte 13 millions de ruraux pour un million de chasseurs, dont l'écrasante majorité vit en ville, se rendant à la campagne pour chasser. Les "néo-ruraux", eux, sont des gens qui quittent la ville, le plus souvent pour trouver une meilleure qualité de vie. Ces gens-là n'ont pas l'obsession du fusil ! Désormais, l'usage de la ruralité n'est plus le monopole des chasseurs. La nature appartient à tout le monde : randonneurs, vététistes, cueilleurs de champignons et bien d'autres encore...

30MA : Une manifestation a été organisée par des chasseurs « pour dénoncer notamment l'interdiction de la chasse à la glu », accusant la ministre de la Transition Écologique et Solidaire Barbara Pompili (AFP, 12/09/2020). Comment réagissez-vous ?

 

Soit les chasseurs persistent à se radicaliser davantage, soit ils prennent du recul.
Allain Bougrain Dubourg

A. B. D. : Là encore il faut bien comprendre que c'est le président de la République, et non la ministre de la Transition écologique, qui a tranché sur la question de la chasse à la glu. Il a pris cette décision, non pas en raison de la maltraitance engendrée par cette pratique, mais pour éviter une condamnation par la Commission européenne qui, début juillet 2020, avait donné 3 mois à la France pour mettre fin à cette méthode de chasse. Je trouve pathétique que les chasseurs soient allés manifester pour le maintien de pratiques d'un autre âge. Cela contribue à l'image négative de la chasse - renvoyée par les chasseurs eux-mêmes – dans l'opinion publique !

Les Français ne comprennent plus pourquoi les chasseurs veulent continuer à tirer sur des espèces menacées telles que la tourterelle des bois, dont la population a chuté de 80 % en Europe ces 40 dernières années. Ils ne comprennent plus pourquoi les chasseurs déversent chaque année 6000 tonnes de plomb dans la nature, favorisant des pathologies alors que d'autres pays ont remplacé les plombs de chasse par des cartouches à bille d'acier. Ils ne comprennent plus pourquoi les chasseurs élèvent 20 millions d'animaux en captivité pour les relâcher ensuite devant leurs fusils. A présent, de deux choses l'une : soit les chasseurs persistent à se radicaliser davantage, soit ils se montrent capables de prendre du recul.

30MA : La LPO soutient, avec la Fondation 30 Millions d'Amis et plus de 40 autres ONG, le Référendum d'Initiative Partagée (RIP) pour les animaux. On assiste en ce moment à une levée de boucliers contre cette initiative, à laquelle une majorité de Français se dit pourtant favorable, y compris – et très largement – en milieu rural. Comment expliquez-vous cette hostilité ?

A. B. D. : Une fois encore, les chasseurs ne voient pas que la société bouge. Ils sont guidés par des dirigeants qui leur assènent la chose suivante : « Si vous reculez sur certaines choses, on vous prendra tout. » Ce qui est faux ! Il s'agit là de prendre en compte des considérations éthiques pour faire évoluer leur pratique. Au lieu de cela, il y a des menaces terribles : j'ai moi-même reçu des menaces de morts, des lettres et des coups de fil d'insultes... Une tension s'installe.

30MA : Selon le Fonds Mondial pour la Nature (WWF) dans son rapport Planète Vivante (2020), les  populations de faune sauvage ont chuté de 68 % entre 1970 et 2016. Quelle est votre réaction face à ce triste constat ?

 

Pour enrayer le déclin de la biodiversité, l'exécutif doit envisager un autre modèle.
Allain Bougrain Dubourg

A. B. D. : Le « Rapport Planète Vivante » n'est pas un scoop. En 2016 était promulguée la « Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ». Force est de constater que cette loi n'a pas atteint son objectif, ni celui de "reconquérir" la biodiversité, ni celui d'enrayer son déclin. Nous en connaissons pourtant les causes, mais il reste à faire preuve de courage et de détermination pour les combattre.

La Plateforme Intergouvernementale sur la Biodiversité et les Services Ecosystémiques (IPBES), un groupe international d'experts équivalent à ce qu'est le GIEC pour le climat, nous indique que l'agriculture intensive – avec son cortège de produits chimiques – fait partie des causes majeures du déclin de la faune sauvage, au même titre que l'artificialisation des sols : 60.000 hectares sont bétonnés chaque année en France. L'assèchement des zones humides, ou encore les changements climatiques, en sont d'autres causes. L'exécutif doit envisager un autre modèle. Si chaque citoyen peut agir à son échelle pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre, le problème du déclin de la biodiversité, lui, est à gérer au niveau de l'État.

30MA : Vous avez dévoilé les coulisses de votre combat pour la nature dans votre ouvrage « On a marché sur la Terre - Journal d'un militant » (éd. Les Échappés, 2020). Le livre s'achève avec les derniers jours de l'année 2019. Si vous aviez poursuivi cette chronique quotidienne en 2020, qu'auriez-vous écrit ?

A. B. D. : Ce qui m'aurait certainement frappé, c'est la possibilité qu'ont eue les citoyens, pendant la période de confinement, d'entrer en communion avec la nature. L'initiative « Confinés mais aux aguets » de la LPO, invitant chacun à observer et à compter les oiseaux depuis sa fenêtre, a d'ailleurs eu un succès inespéré : pas moins de 900.000 identifications ont été recensées ! Du reste, on a beaucoup parlé à ce moment-là de la valeur du silence, du chant des oiseaux redevenu audible, des animaux sauvages profitant du calme dans des espaces d'où les activités humaines les avaient fait fuir... J'ose espérer que cette communion avec la nature annonce une nouvelle cohabitation pour le XXIe siècle.