Patrice Rouget
Pourquoi le destin de l’animal empire-t-il au fur et à mesure que la civilisation progresse ? Pourquoi, dans une société aussi développée que la nôtre, aussi assurée de ses capacités, aussi capable de subordonner ses besoins élémentaires à une réflexion morale, persécute-t-on les animaux avec une bonne conscience qui frise parfois la jouissance ? L’humanisme métaphysique, en divinisant l’homme, exige-t-il que celui-ci vive dans le déni de ses origines, et punisse les animaux de lui être trop semblables ? Est-ce parce qu’ils échappent à la fatalité rhétorique, ne sont pas soumis à la passion mauvaise du moi, parce qu’ils se contenteraient, s’ils le pouvaient, de vivre pleinement leur vie qui est fusion avec le monde jusqu’à la mort qui est leur ultime abandon à l’ordre des choses, que les animaux sont l’objet d’une telle férocité de la part de nous autres, les humains ? Ne les haïssons nous pas, au fond, d’en être capables ?
Dans cet essai lumineux, Patrice Rouget reconstitue le parcours métaphysique qui nous a amenés à nous détourner de l’animal pour ensuite le transformer en bouc émissaire de nos imperfections, puis à le ravaler au statut d’objet industriel uniquement destiné à satisfaire nos pulsions hédonistes, avec la caution permanente de l’humanisme métaphysique, idéologie illusoire qui accompagne avec une constance impressionnante l’histoire de la philosophie. Il instruit le procès d’une humanité qui a décidé d’asseoir son « exception naturelle » sur le supplice du reste du vivant.
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