Le collectif « Un jour un chasseur » lançait en septembre 2021 une pétition pour renforcer la sécurité à la chasse. Elle a recueilli plus de 120 000 signatures en moins de deux mois. Un an plus tard, la mission « sécurisation de la chasse » du Sénat a publié son rapport censé y répondre. Bilan : des propositions très en-deçà des attentes des ONG de protection animale, dont la Fondation 30 Millions d’Amis.
Les 30 recommandations élaborées par la mission du Sénat sur la sécurisation de la chasse sont loin de faire l’unanimité. « Le rapport écarte la quasi-totalité des mesures demandées dans la pétition officielle à l’origine de cette mission, déplore l’association Animal Cross. Un comble : la commission va jusqu’à accorder de nouveaux avantages fiscaux pour certaines catégories de chasseurs, sans aucun lien avec la sécurité ». Les munitions sorties de l’escarcelle des élus du Palais du Luxembourg sont jugées insuffisantes par les différentes ONG de protection animale qui en attendaient bien plus pour parvenir à l’objectif « 0 accident ».
« Chaque accident est un accident de trop » concède pourtant le rapport, reconnaissant même que « plus des deux tiers des accidents résultent de fautes graves enfreignant les règles élémentaires de sécurité ». « S’y ajoute une centaine d’incidents par an, c’est-à-dire des tirs sur des véhicules ou des maisons, qui auraient pu avoir des conséquences dramatiques, et des tirs sur des animaux domestiques ou d’élevage », constate encore la mission sénatoriale. Raisons pour lesquelles « les parlementaires ont tenté d’apporter des réflexions objectives et argumentées pour tendre vers l’objectif "0 accident" en renforçant les règles de sécurité existantes », confie le sénateur et rapporteur Patrick Chaize, joint par 30millionsdamis.fr.
Si depuis 2014 l’examen pratique du permis de chasser est précisément axé sur la sécurité, les sénateurs ont malgré tout admis l’importance d’en renforcer les mesures. Ils proposent donc « d’améliorer la formation des chasseurs », à travers notamment l’instauration, lors du permis de chasser, « d’une épreuve vérifiant l’habileté au tir », mais aussi, le déploiement du « tutorat des jeunes permis », ou encore, l’apprentissage des « gestes de premiers secours ».
« Pendant » la chasse, renforcer les règles de sécurité en vigueur depuis 2019 (gilets fluorescents, panneaux d’information, formation décennale sur la sécurité) impliquerait selon le rapport, d’harmoniser au niveau national les mesures prévues par les Schémas départementaux de gestion cynégétiques (élaborés par les fédérations des chasseurs), de développer des postes surélevés de tir, mais aussi d’exiger la déclaration préalable et systématique des battues (via des applications mobiles par exemple), ou encore, d’imposer le retrait systématique du permis en cas d’homicide par tir direct…
La mission propose également « d’exiger un certificat médical annuel » et « d’interdire la chasse en état d’ébriété ou après la prise de stupéfiants »… « Cette dernière préconisation coule de source, admet le sénateur. Malheureusement, actuellement, un chasseur en état d’ébriété avec un fusil dans la main, dans sa zone de chasse, est en situation de légalité. » Proprement hallucinant !
Le rapport exclut par ailleurs le respect de distances de sécurité autour des habitations et des routes, au motif qu’elles conduiraient « compte tenu de la portée des armes, à interdire la chasse dans une grande partie de la France et poseraient des problèmes de régulation en créant des zones refuge [pour le gibier, NDLR] ». La mission est même allée jusqu’à proposer la création d’un « délit d’entrave » au loisir de la chasse. Une mesure envisagée « par souci d’équilibre » selon le rapporteur P. Chaize : « Avec l’obligation de déclaration préalable de battue, les chasseurs craignent que des militants viennent sur le terrain pour empêcher l’exercice de la chasse. » Chasse gardée, en somme…
Les maires ne pourraient probablement pas interdire les promeneurs dans des zones de chasse.
M. Douence - Maître de conférences en droit public
Les parlementaires proposent, en parallèle, de « favoriser la prise d’arrêtés interdisant l’accès aux zones de chasse ». « Il s’agit ainsi de faciliter la possibilité pour les maires de préserver la sécurité, explique le sénateur. Je préfère qu’un chemin soit fermé si c’est plus sécurisant ». Reste à savoir si une décision réglementaire autorisant la privatisation du domaine forestier ne tomberait pas sous le joug du juge administratif… « Il semble que les maires ne pourraient pas interdire les promeneurs dans des zones qui seraient réservées à la chasse sur le fondement de leur pouvoir de police générale, car quel serait le motif d'ordre public, interroge Maylis Douence, Maître de conférences en droit public à l'Université de Pau, contactée par 30millionsdamis.fr. Si c'est la sécurité publique (les protéger des risques d'accident), alors ce sont les chasseurs qui seraient interdits, pas les promeneurs...»
Il faudrait donc une loi pour autoriser les maires à prendre ce type d'arrêté et ce serait une nouvelle police spéciale... Mais serait-elle vraiment constitutionnelle ? Pas nécessairement ! « La question du motif d'ordre public se reposerait au niveau d'un éventuel contrôle de constitutionnalité pour justifier la création d'une nouvelle police administrative spéciale, ajoute Maylis Douence. Par ailleurs, dans les départements (comme les Landes) où les forêts sont essentiellement propriétés privées et non publiques, comment interdire l'accès à des parcelles ouvertes ? Les forêts ne sont pas clôturées ! »
Quant au « jour sans chasse », les sénateurs n’en veulent pas : « Instaurer un ou plusieurs jours sans chasse n’aurait eu aucun effet sur la sécurité puisqu’il n’y a pas de jour en particulier où les accidents sont plus nombreux », affirme P. Chaize. Toutefois, « des solutions peuvent être appliquées localement, grâce au dialogue, comme c’est le cas dans certaines fédérations départementales (Haute-Savoie, Ain, Cantal…) qui ont déjà mis en place des jours sans chasse », nuance le politique.
« Ce résultat va à contre-courant des attentes sociétales », dénonce de son côté l’association Animal Cross. Et pour cause, 76 % des Français sont pour l’interdiction de la chasse le dimanche (Baromètre Fondation 30 Millions d'Amis /Ifop, 2022). Dans cette lignée, afin de permettre aux promeneurs de jouir de la nature en toute sérénité les fins de semaine, la Fondation 30 Millions d’Amis a lancé une pétition pour des week-ends sans chasse.
« On savait que nos propositions seraient étudiées et pas toutes reprises. Mais on ne se reconnaît pas du tout dans ce rapport. Ça dépasse l’entendement et c'est indécent par rapport aux victimes de la chasse, conclut Mila Sanchez, la co-fondatrice du collectif « Un jour un chasseur ». Nos représentants ne répondent pas, ou n'ont pas envie de répondre aux attentes. On va contacter le ministère de l'Intérieur. Si ce n'est pas suffisant on ira plus haut. Nous en référerons à l’Union Européenne. »
Depuis le 1er septembre 2022 des accidents impliquant des chasseurs ont déjà été recensés notamment dans le Doubs, dans le Loir-et-Cher, dans le Haut-Rhin ou en Haute-Loire…
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