Ils sont une petite quinzaine à déambuler dans les allées du célèbre cimetière parisien du Père-Lachaise, une fois les lieux vidés du public. 30millionsdamis.fr s’est immergé au cœur du site pour tenter d’apercevoir les renards qui peuplent les lieux. Reportage.
17 heures. La cloche retentit. Le jour cède peu à peu la place à la nuit. Les agents du cimetière du Père-Lachaise (Paris 20ème) raccompagnent les derniers visiteurs vers la sortie. Nous savons ce que cela veut dire, et les renards du site aussi : « Quartier libre, nous sommes seuls sur 43 hectares ». « Ils ont l’horaire dans la tête, ils sentent la présence des humains, ils s’adaptent très vite », nous assure Benoît Gallot, conservateur du cimetière, qui travaille et habite sur place depuis 2018. Ce dernier nous accompagne arpenter les allées et chemins sombres de ce lieu qui dégage une atmosphère particulière.
« J’ai vu une ombre… »
Le calme se fait ressentir, un sentiment apaisant même. Pourtant, à quelques mètres de nous, une petite colonie d’une quinzaine de renards vit, là… au milieu d’un dédale de 70 000 tombes et près d’un million de défunts. Impossible de ne pas être impressionné. Le moindre bruit capté par notre micro en position « ON » est intriguant, dans ce site où le silence règne. « J’ai vu une ombre, avertit Benoît Gallot. « C’est un animal ! Ah, c’est repassé… Vous l’avez vu le renard ? » Aucun doute pour le conservateur : la taille et l’agilité de l’animal ne trompent pas.
Ces canidés sont tellement discrets, même la nuit, que pour bien les voir, l’attention doit être au maximum. « Voilà, on a vu un renard, c’est très rapide ! Ça ne fait pas de bruit, il a dû nous repérer. » Bilan : un seul renard aperçu en 2 heures ; les autres sont restés bien tapis… La première fois que Benoît Gallot en a vu un dans le cimetière, c’était pendant le confinement de 2020. À la faveur d’une ville désertée par l’humain, un ‘’couple’’ avait traversé Paris, trouvé refuge au Père-Lachaise où il y a fondé une famille durant cette période où les visiteurs n’étaient pas autorisés à venir. Depuis, d’autres ont suivi. Une attractivité de l’espèce pour l’endroit, notamment due à l’arrêt de l’utilisation de produits phytosanitaires il y a quelques années, qui a permis à la végétation de se développer.
Des conditions de vie proches de la nature
Avec les années, Benoît Gallot a appris à les observer, et sait comment les photographier une fois les portes de ce lieu emblématique fermées : « C’est dur de les apercevoir, mais c’est ça que j’aime. Je veux qu’ils restent sauvages. Il ne faut pas que les gens se mettent à les nourrir, il faut qu’ils conservent la crainte de l’homme. » Régulièrement, il alimente son compte Instagram @Lavieaucimetiere, où il partage ses clichés : « Les visiteurs me disent que ça leur fait du bien de sentir qu’il y a des renards ici, que leurs proches reposent au milieu d’eux. Il y a un côté poétique aussi, c’est la vie dans un lieu dédié à la mort. Il y a quelque chose d’assez fort. »
©Benoît Gallot
Un havre de paix pour les animaux, qui trouvent des conditions de vie assez proches de la pleine nature, en pleine métropole, sur un site où l’on se croirait à la campagne. Par cette fraîche soirée d’hiver, les renards ne sont pas les seuls à nous surveiller dans le cimetière... Il y a les corneilles bien sûr, mais pas seulement. Un autre oiseau, juché sur un arbre, brise le silence. « Vous entendez la chouette ? Ça c’est la chouette hulotte mâle, elle doit nous observer, suppose Benoît Gallot, passionné par cette faune qui l’entoure. On va peut-être entendre la femelle qui va répliquer. » Ne pas oublier non plus la fouine (photo ci-dessous) et les chats qui trainent également dans les parages.
©Benoît Gallot
Des renardeaux au crépuscule
L’été dernier, Nicolas Gilsoul, architecte, paysagiste et écrivain, a lui aussi passé quelques soirées au sein du cimetière, accompagné de Benoît Gallot, avant de publier un album pour enfants Le renard du Père Lachaise (Robert Laffont Jeunesse, 2024). Il a pu observer les renardeaux au crépuscule, quelques mois après la saison des naissances. « Lors de la première rencontre, il pleuvait énormément, il y avait de l’orage, confie-t-il à 30millionsdamis.fr. Nous nous sommes abrités où on pouvait et nous avons attendu, patiemment. Puis on l’a aperçu. Le renard a bondi comme un chat, d’une tombe à l’autre. Sa furtivité et sa souplesse m’ont vraiment interpellé. »
©Benoît Gallot
Moment unique : Nicolas Gilsoul parvient à capter une photo nette avec son portable, parmi 50 autres floues tellement le goupil est imprévisible et bouge. « C’était assez magique. On l’a vu passer furtivement, on a essayé de le suivre, on a trouvé un endroit où il se posait. Je pense qu’il nous avait entendu bien avant qu’on arrive parce qu’il s’est retourné, a regardé vers nous sans bouger. J’ai sorti mon téléphone et à ce moment-là, éclair de lumière avec l’orage. On a l’impression que la photo a été complètement retouchée mais non », se remémore l’auteur, avec une émotion encore perceptible.
Une population renouvelée ?
Selon Benoît Gallot, il y aurait 3 couples de renards dans le cimetière… et des questions qui restent en suspens : « Certains vont-ils quitter le cimetière ? D’autres vont-ils arriver pour éviter la consanguinité ? Pas de réponses pour le moment. Ce serait bien qu’un jour, on puisse faire une étude. On a déjà publié un trombinoscope sur Instagram donc on verra d’une année sur l’autre si certains disparaissent ou apparaissent. »
De son côté, Yolaine de la Bigne, journaliste spécialiste des intelligences animales, contactée par 30millionsdamis.fr, rappelle que « le renard est très intelligent ». » À la maturité sexuelle, les jeunes mâles partent ailleurs pour aller fonder leur propre famille », explique celle qui se trouve également porte-parole de l’Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS). Des individus qui s’en vont ? De nouveaux qui arrivent… comme à Berlin ou Londres. « C’est compliqué pour eux de traverser la ville, mais ils finissent par y parvenir. Au moins certains... », confirme Y. de la Bigne. La colonie du Père-Lachaise pourrait donc bien s’agrandir. Coquin de renard !
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