Fondation 30 Millions d'Amis

Fondation 30 Millions d'Amis
Faites un donFaire un don

La Ferme des Aubris

La Ferme des Aubris, un havre de paix pour les équidés maltraités ou abandonnés

Le refuge de la Tuilerie

Refuge "la Tuilerie" un havre de paix pour les animaux sortis de l'enfer

 €

Votre don ne vous coûte que
XXX après réduction fiscale

Biodiversité

Des animaux sauvages en ville, un phénomène qui s’accroit

Les animaux sauvages se dirigent vers la ville, « plus intéressante pour y trouver de la nourriture », selon Maud Lelièvre, présidente du comité français de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature). /©iStock

Partout dans le monde, la présence d’animaux sauvages en plein centre-ville devient de plus en plus courante. En cause, la réduction de leur espace naturel et le manque de proies pour se nourrir. Des experts analysent cette nouvelle réalité pour 30millionsdamis.fr.

Un renard qui se balade au beau milieu du 7e arrondissement de la capitale des Gaules (Rhône), une biche aperçue en centre-ville à Angoulême (Charente), ou encore des coyotes vus à New-York, des léopards à Mumbai… Des scènes insolites qui tendent à se généraliser : « Des cas comme ça, ce n’est pas nouveau. Et il y en aura encore pleins, ça va augmenter », anticipe Yolaine de la Bigne, journaliste spécialiste des intelligences animales et porte-parole de l’Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS), jointe par 30millionsdamis.fr.

Moins de proies, perte d’habitat

 

"Être un animal sauvage aujourd’hui, c’est l’enfer. On a bétonné partout, les humains sont partout".

Yolaine de la Bigne, porte-parole de l’ASPAS

« On s’en est plus aperçu pendant la période du covid : c’est un phénomène de réappropriation des villes par les espèces sauvages qui progresse », confirme à 30millionsdamis.fr Maud Lelièvre, présidente du comité français de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature). Un phénomène qui s’explique d’abord par la recherche de nourriture : « On a surpêché, on a chassé, les animaux ont beaucoup de mal à se nourrir car il n’y a plus beaucoup de proies pour eux », souligne Yolaine de la Bigne. Ils s’approchent alors des villes, attirés par nos déchets, nos « poubelles avec de la nourriture par terre ».

Ensuite, il y a la pression humaine et la perte de l’habitat. « Être un animal sauvage aujourd’hui, c’est l’enfer. On a bétonné partout, les humains sont partout. Nous avons construit des routes qui ont fractionné les territoires, envahi l’espace avec nos maisons… Et quand les animaux arrivent à peu près à s’en sortir, on les chasse ! » Alors ils n’ont plus le choix. « Acculés », ils se dirigent vers la ville, « plus intéressante pour y trouver de la nourriture ». Ils y trouvent même un « havre de paix » selon Maud Lelièvre, « où il n’y a pas la chasse, où se fait ressentir un bon équilibre de la biodiversité, où il y a moins d’utilisation des pesticides ».

Repenser la ville pour cohabiter avec la faune sauvage

Les villes ne sont pas encore adaptées à la présence de faune sauvage, et cela peut créer des événements assez inattendus. Comme à Aurillac (Cantal), ce jour de juillet 2024 où un jeune chevreuil s’est perdu et s’est retrouvé piégé… dans le sas d’un cabinet de notaire. Heureusement les pompiers ont pu le libérer. « Il faut faire évoluer la ville, construite contre les animaux. Il faut que ça devienne un espace de paix entre nous et eux », souhaite Yolaine de la Bigne. Certains architectes commencent à s’y intéresser, de sorte que l’architecture de demain intègre la présence d’animaux sauvages. »

« Des cas comme ça, ce n’est pas nouveau. Et il y en aura encore pleins, ça va augmenter », anticipe Yolaine de la Bigne, porte-parole de l’ASPAS. /©iStock

Passages à faune, ponts aériens pour les écureuils… des solutions existent. « Des corridors verts se déploient dans les villes, constate Maud Lelièvre. Nantes donne un bel exemple de plantations d’arbres fruitiers qui offrent une alimentation particulière. Il faut travailler avec des associations pour recréer des espaces, des nichoirs, des lieux d’alimentation un peu partout, notamment pendant l’hiver. » L’enjeu : faire de la place à la faune sauvage en milieu urbain.

C’est justement l’une des thématiques sur lesquelles travaille la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). Penser aux animaux qui traversent la ville, sans oublier ceux que l’on voit moins, plus cachés, les animaux du bâti tels les oiseaux, les lézards, les chauves-souris, etc… « Sur la circulation de la faune sauvage, nous travaillons surtout sur la trame verte en accompagnant des entreprises pour la plantation de haies et d’arbres d’essences locales, une gestion écologique des parcs urbains, la mise en place de clôtures perméables à la faune », explique Tanguy Borgarelli, responsable de projet Nature en ville à la LPO, contacté par 30millionsdamis.fr. L’association sensibilise à cette question d’intégration par des événements et aussi lors de formations données à des architectes par exemple.

Analyser l’environnement, faciliter les mouvements des animaux

De son côté, Nicolas Gilsoul, architecte et paysagiste concepteur, auteur de Bêtes de villes (Fayard, 2019), insiste sur 4 points fondamentaux à ne pas négliger concernant ces aménagements urbains : d’abord, comprendre dans quel milieu on s’installe, ce qui y existe déjà, « pour ne pas complètement perturber le système », explique celui qui est également docteur en sciences, joint par 30millionsdamis.fr. Ensuite, « diminuer au maximum les imperméabilisations, donc les implantations. (…) essayer de condenser les architectures, de reconstruire sur l’existant, voire de le réhabiliter plutôt que d’aller construire du nouveau à côté sur un sol fertile ».

"On a surpêché, on a chassé, les animaux ont beaucoup de mal à se nourrir car il n’y a plus beaucoup de proies pour eux", dit Yolaine de la Bigne, porte-parole de l’ASPAS. /©iStock

Puis avoir aussi des continuités, diminuer les fragmentations pour faciliter les mouvements et flux d’animaux. « Le coyote de Chicago par exemple, s’il vient manger dans la ville, c’est aussi parce qu’il peut en ressortir facilement, précise-t-il. Pareil avec les renards à Paris, Londres ou Bruxelles. Donc il y a des corridors, soit mis en place, soit dans les interstices de la ville, dans les friches, les délaissés, etc… C’est important de conserver ces lieux-là, ça permet d’avoir un fil pour les transitions de la faune de l’intérieur vers l’extérieur de la ville ». Puis enfin, réaliser des architectures avec le plus d’aspérités possibles, avec des possibilités pour certains oiseaux de nicher dans l’épaisseur de la façade par exemple.

Nicolas Gilsoul a mené un projet durant 16 ans à Versailles (78), main dans la main avec le maire de la ville. Il s’agit de « la reconquête » de plusieurs quartiers bétonnés de parkings, largeurs de routes, placettes… « Tous ces éléments sont devenus un collier de jardin public et de promenades, dans lequel on a eu toute une réflexion sur la faune. On a tiré un fil entre 2 quartiers qui est une continuité piétonne, une continuité verte. Maintenant ça fait quelques années que c’est en place, ça vit bien. »

La faute à l’Homme qui grignote le terrain de l’animal

 

"Si notre comportement était plus respectueux de l’environnement, les animaux resteraient dans les forêts".

Joëlle Zask, philosophe

Bien qu’il faille prendre en compte la faune sauvage dans l’aménagement de la ville aujourd’hui, l’erreur vient avant tout des agissements de l’Homme, selon Nicolas Gilsoul. « Il faut qu’on arrête de fragmenter et que la ville arrête de grignoter toutes les forêts qui sont autour, c’est ça le vrai débat. Ce n’est pas aménager les rues ou les espaces pour que les chevreuils puissent tranquillement prendre un café en terrasse, c’est qu’on arrête de grignoter sur le territoire des animaux et qu’on reconstruise la ville sur la ville. »

Dans l’ouvrage Zoocities, des animaux sauvages dans la ville (éditions Premier Parallèle, 2020), la philosophe Joëlle Zask, évoque tout un éventail de cas à travers le monde : des sangliers à Marseille (13) aux coyotes de New-York (Etats-Unis) en passant par les kangourous à Canberra (Australie) : « À partir du regard hypothétique d’animaux sauvages, ça pouvait nous dire quelque chose de ce qu’est la ville, de ce qu’elle permet, de ce qu’elle interdit, confie-t-elle à 30millionsdamis.fr. Ce qui m’intéressait, c’était de voir en quoi la ville était construite contre la nature. »

« On a oublié qu’on vit chez eux »

À la question, à quoi ressemblerait la ville idéale ? Joëlle Zask répond : « Une ville qui permet aux animaux de coexister avec les habitants humains, coexister n’étant pas cohabiter ». La philosophe insiste sur le fait que notre rapport aux animaux sauvages doit être le plus neutre possible. « Coexister sans attirer l’animal », en écologisant davantage. Ni leur donner à manger, ce qui peut entrainer chez eux un changement d’habitude, ni les pourchasser. « Si notre comportement était plus respectueux de l’environnement, les animaux resteraient dans les forêts ou dans la nature, ils ne viendraient pas en ville. L’idée n’est pas qu’ils viennent tous en ville, c’est qu’ils puissent subsister dans leur environnement naturel. »

 « On a oublié qu’on vit chez eux, rappelle Yolaine de la Bigne, porte-parole de l’ASPAS. On a l’impression que les animaux entrent chez nous, mais c’est l’inverse ! »