Dans son livre « Assise, debout, couchée » [Éditions Lattes, 2024], Ovidie parle avec justesse du deuil animal./ Olivier Roller.jpg
À l’occasion de la sortie de son ouvrage « Assise, debout, couchée » (éd. J.C. Lattès, 24 avril 2024), Ovidie traite de la corrélation entre la cause animale et la lutte féministe. Sa vie avec ses animaux, ses tendres souvenirs de l’émission 30 Millions d’Amis ou son rapport au deuil d’un animal, elle se livre à 30millionsdamis.fr.
30millionsdamis.fr : Vous avez évoqué dans Quotidien (TMC, 29/4/2024) votre tendresse à l’égard de l’émission 30 Millions d’Amis. Quels souvenirs en gardez-vous ?
Ovidie : Je suis de la génération où 30 Millions d’Amis s’ouvrait sur des images de Mabrouk et Junior était la star de l’émission. Ça a bercé mon enfance, mon adolescence. J’ai été très triste que tout s’arrête. Je me souviens du générique, avec ce beau chien qui était déjà mort quand je regardais. Ça me questionnait, ça a laissé une trace. Garder cette place énorme à un animal décédé, c’était un message fort.
Vous avez également été touchée par les écrits du fondateur, Jean-Pierre Hutin…
Oui, je me suis intéressée à Jean-Pierre Hutin bien plus tard car j’ai retrouvé un exemplaire de son livre, « Mabrouk, chien d’une vie » (1984). J’ai trouvé cela extrêmement intéressant de parler du deuil canin dans le contexte de l’époque. D’ailleurs, un vide s’est installé sur le sujet jusqu’au livre de Cédric Sapin-Defour (lauréat du Prix littéraire de la Fondation 30 Millions d’Amis 2023, NDLR). Et le fait que ce soit des hommes qui en parlent n’est pas inintéressant. C’est une démarche courageuse, car beaucoup y voient un côté dévirilisant.
Après les luttes féministes, la lutte pour la cause animale est celle qui attire le plus les femmes.
La société a-t-elle évolué au sujet du deuil canin ?
Pas suffisamment. Il n’y a pas grand-chose de prévu pour y faire face. Il existe bien sûr quelques cimetières canins, mais l’écrasante majorité des gens n’y a pas accès. Il n’y a pas tout ce rituel qui permet de faire son deuil. À la mort de mon chien Raziel, j’aurais aimé être accompagnée. Quand on perd son animal, on prend une demi-journée et on retourne directement au boulot. Les gens ne comprennent pas qu’on soit dévasté. Or, la peine de perdre son chien peut durer des mois, des années. C’est pourquoi je pense que le livre de Cédric Sapin-Defour a touché toutes les personnes qui ont perdu leur ami.
Comment l’expliquer ?
Il y a une décrédibilisation des gens qui s’investissent dans leur relation avec leur animal, dans l’amour qu’on peut leur porter. J’étais tombée sur le « Guide pratique des maladies mentales » de 1893 où l’affection dite immodérée pour son chien était considérée comme une pathologie. Il reste encore un peu de ça aujourd’hui. Ça évolue un peu bien sûr. On le voit dans le statut juridique qui fait que quand on perd son animal, on perd autre chose qu’une paire de chaussures. La place du chien dans la famille, les enjeux de garde lors de la séparation sont davantage dans le débat public. Mais la cause animale est encore considérée comme un sous-combat. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que les militants dans la cause animale… sont majoritairement des militantes.
"Finalement, ces moments avec mes chiens sont les seuls où je suis moi-même, sans aucun rôle à jouer"./JC Lattès
C’est-à-dire ?
Après les luttes féministes, la lutte pour la cause animale est celle qui attire le plus les femmes. À la fin du XIXe siècle, le mouvement anti-vivisection était incarné par Louise Michel et d’autres femmes de lettres. Les défenseurs de la cause féminine sont souvent, durant l’histoire, les défenseurs de la cause animale. Il y a un parallèle : les femmes défendent les chiens, les chiens les défendent en retour.
De tout mon entourage, mon chien est le seul qui ne m’a jamais menti.
D’où une corrélation entre les violences envers les femmes et la maltraitance animale ?
Avec le confinement, on s’est effectivement rendu compte qu’une femme victime de violence intra-familiale avait 5 fois plus de chance de voir son chien maltraité. La maltraitance animale est souvent le degré en-dessous des féminicides. Dans une situation de séparation, il y a un même procédé : soit l’homme maltraitant prend les enfants en otage, soit il blesse ou tue l’animal. Il y a comme un mécanisme d’hyperpossession, s’attaquer à ce qu’il y a de plus cher.
Quelle trace a laissé votre chien Raziel ?
Raziel a été mon compagnon, il ne m’a jamais lâché. Même dans les moments les plus compliqués. C’est le seul de tout mon entourage qui ne m’a jamais menti. Ovidie, ce n’est pas mon prénom, c’est une image publique. Cette double identité, ça a été rock-and-roll à gérer car tout ce que je fais, je le fais sous ce nom. Mais tout ça, mes animaux, comme Raziel, s’en fichent éperdument. On joue tous un rôle au quotidien, on est jugé par la société. Le chien, lui, ne juge jamais. Finalement, ces moments avec mes chiens sont les seuls où je suis moi-même, sans aucun rôle à jouer. On n’a pas besoin de berner l’autre, il y a un rapport tellement honnête.
Vos 3 chiens vous apportent-ils la même chose aujourd’hui ?
Non, c’est toujours différent. On réserve parfois aux chiens une place qu’ils ne vont pas prendre. Avec Alaska, ma chienne de 12 ans que j’ai adoptée dans un refuge, ça n’a rien à voir par exemple. Elle est très indépendante, elle n’a jamais pris la place de l’enfant de substitution. Elle vit à part. Pourtant, j’ai tout fait pour créer du lien. Elle a déjà été abandonnée une fois, c’est sûrement un mécanisme de protection. Elle a ses traumatismes, son caractère. Avec tous mes chiens, je n’ai pas le même rapport. Raziel était collé à moi 24h sur 24.
Que l’expérimentation animale soit encore autorisée, c’est dingo !
Et votre chat ?
Mon chat Georges, c’est une drôle d’histoire. Car jamais je n’aurais pensé avoir un chat, j’ai toujours été plus sensible aux chiens. Quand je me suis installée à la campagne, j’ai entendu des miaulements dans la cabane à outils. Je ne savais pas quoi faire, il était tout petit. Le vétérinaire m’a donné un biberon. Et c’est devenu mon chat parmi les chiens. Je l’ai confié à une de mes chiennes qui est maternelle. Et c’est comme un 4e chien. Il vient à l’heure de la gamelle en même temps que les autres !
Quelle thématique de protection animale vous touche le plus ?
Il y a des combats qui me brisent le cœur. Comme tous ces chiens voués à l’expérimentation animale, ces fermes à beagles. L’abandon, c’est quelque chose d’horrible mais je pense que la société a conscience que ça existe. Sur l’expérimentation, les gens ne sont pas au courant. Il y a, comme les abattoirs, une volonté de ne pas voir. Que ce soit autorisé en 2024, c’est dingo !
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