Le cancer est la 1ère cause de mortalité spécifique chez le chien, et la 3ème chez le chat. Pourtant, la législation obsolète, le manque d’information des professionnels de santé et les ruptures de stock de médicaments anticancéreux viennent entraver la possibilité de traiter efficacement nos animaux malades. 30millionsdamis.fr a interrogé le Dr David Sayag, vétérinaire spécialiste en oncologie, sur les raisons de ces difficultés.
30millionsdamis.fr : Comment expliquer que des animaux de compagnie atteints de cancer n’aient pas toujours accès à un traitement adéquat ?
L’utilisation des traitements de chimiothérapie pour les animaux est réglementée par l’arrêté du 18 juin 2009, qui fixe une liste de molécules anticancéreuses autorisées à l’usage vétérinaire ainsi que des conditions de stockage et d’utilisation. Or, cette liste d’une quinzaine de molécules ne contient pas toutes celles dont nous aurions besoin pour offrir les soins appropriés à nos petits patients atteints de cancer : il nous manque au moins une dizaine de molécules supplémentaires.
Pourquoi cette liste des molécules anticancéreuses autorisées à l’usage vétérinaire est-elle incomplète ?
Cette liste a été élaborée en 2009, alors que l’oncologie vétérinaire n’était pas encore reconnue en tant que spécialité – ce qui n’est le cas en France que depuis 2018. Depuis, la recherche a progressé et nouveaux traitements ont vu le jour. Il existe un décalage entre la législation et la pratique, alors que la place de l’animal dans notre société a évolué ces dernières années. Au ministère de l’Agriculture, la chimiothérapie vétérinaire reste perçue avant tout comme un risque d’exposition à des substances nocives pour la santé humaine...
Certains vétérinaires disent avoir du mal à s’approvisionner en médicaments anticancéreux… Qu’en est-il ?
De nombreux confrères en milieu rural renvoient leurs patients vers les centres hospitaliers vétérinaires en ville.
Dr David Sayag – Vétérinaire
Chaque semaine, nous subissons de nouvelles ruptures de stock de médicaments qui peuvent durer plusieurs mois. Ces pénuries impactent tant les humains que les animaux, car les molécules anticancéreuses autorisées pour l’usage vétérinaire sont d’abord, pour la plupart, des spécialités de médecine humaine. L'année dernière par exemple, nous avons subi une rupture de kidrolase, et plus récemment, c’est la vincristine qui est venue à manquer... En outre, la législation nous interdit d'importer ces médicaments de l'étranger pour l'usage vétérinaire.
Le lieu de délivrance des médicaments semble également un facteur déterminant…
Oui ! Les vétérinaires ont l’obligation légale de commander leurs produits de chimiothérapie directement aux laboratoires pharmaceutiques – après s’être déclaré en tant que « référent oncologie » auprès de l’Ordre national des vétérinaires. Mais de nombreux confrères choisissent de s’approvisionner en pharmacie. Or, lorsque le pharmacien n’a plus tel ou tel produit, le vétérinaire se retrouve sans alternative… et ses patients restent alors sans traitement.
Commander les produits directement aux laboratoires pharmaceutiques comporte aussi des avantages et des inconvénients…
En cas de rupture d’un produit, le laboratoire peut généralement proposer un générique ou bien un autre dosage. Quand ce n’est pas possible, il faut alors contacter différents laboratoires à la recherche d’une alternative. Ce qui demande du temps : j’y consacre moi-même plusieurs heures par mois ! Ces difficultés sont doublées d’une méconnaissance de la législation par les vétérinaires et par les pharmaciens, qui ne sont pas infaillibles. J’estime que 90 % des officines ignorent qu’elles ont interdiction de délivrer des produits anticancéreux aux vétérinaires.
Les difficultés rencontrées par les maîtres d’animaux atteints de cancer dans l’accès au soin, est-ce une particularité franco-française ?
Nous ne disposons pas de toutes les molécules nécessaires pour soigner les animaux atteints de cancer.
Dr D. Sayag – Vétérinaire
Dans tous les pays où mes confrères et moi-même avons pu exercer, en Suisse, en Belgique et au Canada, nous avions accès à toutes les molécules dont nous avions besoin. Certains vont jusqu’à s’expatrier pour pouvoir pratiquer les meilleurs soins possibles ! De plus, en France, certaines molécules ne sont accessibles qu’aux « pharmacies hospitalières ». Or, les centres hospitaliers vétérinaires – qui sont pourtant des hôpitaux – ne peuvent pas prétendre à cette autorisation. La France est le seul pays au monde, à ma connaissance, avec cette contrainte spécifique.
Existe-t-il une réalité différente selon que l’on se situe en milieu urbain ou en milieu rural ?
Certains vétérinaires de campagne hésitent à commander les traitements de chimiothérapie aux laboratoires pharmaceutiques, de crainte d’avoir à commander de grandes quantités. Des lots de plusieurs dizaines de fioles seront difficiles à écouler, surtout pour une petite clinique ! D’autres refusent de pratiquer la chimiothérapie en raison des contraintes strictes prévues par la législation, ou du risque d’exposition à des substances nocives. De nombreux confrères en milieu rural renvoient donc leurs patients vers les centres hospitaliers vétérinaires, souvent situés en milieu urbain.
Etes-vous confiant pour l’avenir ?
Avec mes confrères spécialistes en oncologie, nous travaillons depuis plusieurs années avec les associations de vétérinaires et avec l’Ordre national des vétérinaires pour mettre à jour la liste des molécules anticancéreuses autorisées pour notre usage. Malheureusement, c’est même l’inverse, certaines molécules nous ont depuis été retirées… Nous ne baissons pas les bras pour autant. L’animal de compagnie est aujourd’hui considéré comme un membre de la famille, et lorsqu’il est atteint de cancer, ses maîtres demandent de pouvoir le soigner !
Liste des cliniques et centres hospitaliers vétérinaires pratiquant l'oncologie (non exhaustive) :
Bandy86 15/10/2019 à 17:16:00
Et oui une fois de plus nous sommes bien en retard pour les soins de nos animaux. Article très intérréssant.
Michèle LARIOS 15/10/2019 à 14:20:47
Trop lourd, trop long pour une maladie "galopante" ... et toujours deux poids deux mesures pour les humains d'un côté et les animaux de l'autre
moussette62 15/10/2019 à 13:42:44
Mon chien a été soigné pour un cancer dans une clinique vétérinaire du Nord, et grâce à ses soins il a pu survivre 4 ans. Ce qui a été inadmissible c'est que parfois il y avait pénurie de médicaments.
Mon chien devait rester sur place 24h après les perfusions, la réglementtation l'exige. Mais j'ai accompagné plusieurs fois une amie au CHR pour ses chimio, dès la perfusion enlevée on la laissait repartir sans s'inquiter des suites.
Pourquoi toutes ces contraintes pour les vétérinaires ? Pourquoi limiter la liste des molécules autorisées ? Pourquoi, en France, on est toujours en retard par rapport aux autres pays ??? Qui en profite ?
Elys 14/10/2019 à 15:16:27
Merci beaucoup pour cet article.
Il y a également le service de cancérologie du Docteur Ponce à VetAgro Sup, à Marcy-l'Etoile (69). Pour information, une association a été créée l'an dernier dont le but est de lever des fonds pour la recherche en cancérologie animale. "Dans les yeux d'Hulk" est encore une petite association mais leur travail est déjà énorme, n'hésitez pas à aller voir leurs divers événements : www.facebook.com/danslesyeuxdhulk/
JuliaL 14/10/2019 à 09:12:58
Article très intéressant. Je m'étonne vraiment, chaque jour un peu plus, que notre pays soit tellement en retard dans des directions qui semblent si évidentes pour d'autres pays...