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Enquête

Affaire Vantara : la RDC et l’UE impliquées dans un trafic d’ampleur internationale ?

Chimpanzés photographiés au zoo de Kinshasa en 2024 (République Démocratique du Congo) / ©DR

À la suite de ses révélations sur Vantara – ce zoo indien qui pourrait être à l’origine du plus grand trafic d’espèces sauvages de tous les temps –, la Fondation 30 Millions d’Amis s’interroge sur la légalité des exportations d’animaux réalisées par la République démocratique du Congo vers ce complexe gigantesque, dans le cadre de sa politique de conservation financièrement soutenue par l’Union européenne. La Fondation 30 Millions d’Amis demande à ce que soit menée une enquête de fond sur ces exportations suspectes par les autorités internationales, et que la Commission européenne contraigne la RDC à respecter les exigences de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES).

Troublant. Parmi les principaux exportateurs d’animaux sauvages vers le zoo indien Vantara – source de multiples inquiétudes de la Fondation 30 Millions d’Amis – le cas la République démocratique du Congo (RDC) questionne. Et pour cause : dans les données douanières internationales analysées par la Fondation 30 Millions d’Amis, un grand nombre des spécimens importés en 2024 par Vantara sont déclarées comme partant de Kinshasa. « Pourtant, en 2024, la RDC n’a déclaré aucune exportation d’animaux vers l’Inde auprès des autorités de la CITES qui suivent les mouvements d’espèces protégées dans le monde entier », relève Lorène Jacquet, Responsable Campagnes et Plaidoyer de la Fondation 30 Millions d’Amis. De quoi mettre en alerte le monde de la conservation.

Les autorités congolaises soupçonnées de corruption

Pour rappel, les autorités congolaises avaient ordonné, en janvier 2025, le transfert de 12 chimpanzés hébergés par un sanctuaire du pays vers le zoo de Kinshasa, un établissement vétuste et inadapté à l’accueil de chimpanzés. Encouragée par l’Institut congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) – organisme d’État chargé de la gestion de la biodiversité dans les aires protégées du Congo – cette opération avait été dénoncée par la Fondation 30 Millions d’Amis en février 2025 et entrait en totale contradiction avec les enjeux de conservation de l’espèce, victime de trafic et de braconnage. Malheureusement, bien que le projet de récupérer des chimpanzés auprès des sanctuaires ait été abandonné, 8 chimpanzés, dont l’origine était mystérieuse, avaient finalement été exportés vers Vantara dans les jours qui avaient suivi.

Visée par de nombreuses accusations, l’ICCN, dont la mission est pourtant d’assurer la protection des ressources naturelles, s’évertue à valoriser une politique de conservation de la biodiversité et des espèces menacées orientée vers l’exportation d’animaux à l’autre bout du monde, en vertu d’un protocole d’accord récemment conclu avec le géant indien. « L’autorité congolaise réfute notamment toute accusation de vente des chimpanzés, bien que les investigations menées par le média allemand Sueddeutsche Zeitung démontrent que les exportations font l’objet de transactions financières », interpelle Lorène Jacquet.

 

Des investigations menées par un média allemand démontrent que les exportations font l’objet de transactions financières.

Lorène Jacquet

Selon le directeur général de l’ICCN, l’accord signé avec Vantara (qui n’a d’ailleurs jamais été rendu public) définit une collaboration complète entre les deux organisations et inclut des programmes de formation pour les techniciens, vétérinaires et soigneurs congolais. Malgré les doutes qui pèsent sur le zoo indien, les exportations d’animaux de RDC se poursuivent : en juillet 2025, encore 187 animaux – principalement des singes et des oiseaux – étaient envoyés vers l’Inde. « La corruption de l'ICCN a été révélée par le passé par le gouvernement américain, qui a limogé son directeur pour trafic d'espèces sauvages, rapporte Ofir Drori, fondateur du réseau Eagle (Eco Activists for Governance and Law Enforcement) qui lutte contre le trafic et la corruption dans huit pays d’Afrique. Aujourd'hui, la corruption en RDC persiste, dans un contexte d'afflux massif d'argent et de demande incessante d'animaux de Vantara ».

Des transferts contraires aux enjeux de conservation

Par ailleurs, des animaux sont encore transférés dans les zoos du pays, pourtant fermés et en cours de rénovation : « En juillet dernier, suite à une saisie réalisée dans des conditions douteuses, un jeune bonobo orphelin s’est retrouvé au zoo de Kisangani et n’a bénéficié ni des soins adaptés, ni d’un suivi vétérinaire, ni de contacts avec des congénères de son espèce. Malheureusement, mais c’était prévisible, il n’a pas survécu », alerte Lorène Jacquet. Un exemple parmi tant d’autres, qui démontre que les autorités préfèrent placer des animaux dans ce zoo en vue de les exporter plutôt que de les confier à des sanctuaires désireux de les accueillir, et bénéficiant des conditions adaptées  pour les soigner et les réhabiliter.

La Fondation 30 Millions d’Amis avait d’ailleurs alerté en août 2025 la ministre congolaise Marie Nyange Ndambo sur la situation de cet animal et l’avait appelée à intervenir pour que l’orphelin soit recueilli au plus vite dans l’un des sanctuaires spécialisés du pays, qui pourra lui offrir les meilleurs soins et chances de survie. Les chimpanzés orphelins transférés en début d’année 2025 vers Vantara avaient eux aussi été détenus pendant plusieurs semaines dans les zoos de Kinshasa et Kisangani, dans des conditions inadaptées, avant leur départ vers l’Inde. 

Des exportations préoccupantes confirmées par les autorités internationales

Fin octobre, le Secrétariat de la CITES a publié ses conclusions suite à une mission de vérification menée auprès des autorités indiennes pour contrôler les importations d’animaux d’espèces menacées ayant alimenté le zoo Vantara. L'examen des importations réalisées par Vantara a révélé que, pour plusieurs transactions, la provenance et la traçabilité des animaux présentait des lacunes importantes, notamment concernant les chimpanzés exportés par la RDC.

En effet, ces animaux ont été déclarés comme ayant été élevés en captivité avant leur exportation, alors que le pays ne dispose d’aucune installation d’élevage qui réponde aux conditions et exigences administratives imposées par la CITES. Dès lors, comment ces animaux auraient-il pu valablement être exportés avec un permis délivré par les autorités congolaises ?

Le Secrétariat de la CITES questionne sur leur provenance, qui pourrait donc être issue de captures illégales dans la nature, ce qui serait formellement interdit aussi bien en vertu de la loi congolaise que de la Convention internationale.

Le soutien de l’Union européenne à ces exportations suspectes

Loin d’être anecdotiques, aussi bien par leur volume que par les espèces concernées, les exportations au départ de RDC révèlent également une faille importante dans le soutien de l’Union européenne à la politique de préservation de la biodiversité de ce pays. D'après une publication de la Commission européenne, des dizaines de millions d’euros sont versés chaque année par l’UE pour soutenir les actions de conservation mises en œuvre en République démocratique du Congo, dont le principal acteur et coordinateur n’est autre que l’ICCN. Ce même institut pactise avec le géant Vantara dans des conditions opaques et, en tant qu’organe de gestion CITES, délivre des permis douteux pour l’exportation d’espèces sauvages protégées de RDC vers Vantara, notamment.

En d’autres termes, l’Union européenne soutient financièrement la politique de protection de l’environnement congolaise. L’ICCN s’avère être quant à lui un acteur clé de la mise en œuvre d'un bon nombre de programmes qui bénéficient d'importants subventionnements européens.

 

L’Union réalise-t-elle les contrôles nécessaires pour garantir la bonne affectation des fonds engagés en RDC ? 

Lorène Jacquet

Interrogée à ce sujet par l’eurodéputée Tilly Metz le 1er aout 2025, la Commissaire européenne à l’Environnement Jessika Roswall a botté en touche, précisant que la Commission n’accorde pas de financement direct à l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN), éludant ainsi le rôle déterminant de cet organisme dans la politique subventionnée par l’Union européenne. « Il y a lieu de s’interroger : l’Union réalise-t-elle les contrôles nécessaires pour garantir la bonne affectation des fonds engagés en RDC et s’assurer qu’elle ne soutient pas financièrement, même indirectement, une institution qui participe à des actions de trafic international ? », interroge de son côté Lorène Jacquet, Responsable Campagnes et Plaidoyer de la Fondation 30 Millions d’Amis.

La Fondation 30 Millions d’Amis interpelle la Commission européenne…

A ce jour, de nouveaux éléments jettent le trouble sur le soutien financier de l’UE. Au cours du mois d’octobre 2025, le média environews RDC faisait état d’un nouveau programme de l’Union européenne pour accompagner l’ICCN dans « la conservation ex situ et le commerce international des espèces protégées en RDC ».  Ce programme, présenté comme étant une « étape significative dans la protection de la biodiversité en République Démocratique du Congo » interroge une nouvelle fois sur le rôle de l’Union européenne dans ce dossier, compte tenu des fortes suspicions de trafic en RDC et du récent partenariat conclu entre l’ICCN et Vantara…

Afin de connaître la véritable provenance des animaux exportés de RDC pour alimenter le zoo Vantara, la Fondation 30 Millions d’Amis demande qu’une mission de vérification soit menée en urgence par les autorités de la CITES concernant l'ensemble des exportations d'animaux réalisées avec l'approbation des autorités congolaise vers ce méga zoo indien depuis 2022.

Lettre adressée à la commissaire européenne Jessika Roswall, cosignée par 22 eurodéputés (en anglais). 

Une demande soutenue par 22 eurodéputés qui appellent par ailleurs la commissaire européenne Jessika Roswall à suspendre les exportations depuis l’UE d’animaux sauvages protégés vers Vantara. « L’affaire Vantara apparait aujourd’hui comme une illustration de potentielles défaillances dans l'application [stricte] de la CITES à travers le monde, face à la pression commerciale grandissante qui pèse sur la biodiversité », insistent les élus dans un courrier adressé à la commissaire.

… et fera entendre sa voix à la CoP20

À la veille de la CoP20 de la CITES, qui aura lieu en Ouzbékistan du 24 novembre au 5 décembre 2025 et à laquelle la Fondation 30 Millions d’Amis participera, les pays signataires de la CITES détermineront ce dimanche 23 décembre les suites qui seront données aux irrégularités officiellement constatées par le Secrétariat de la CITES dans le cadre de la mission de vérification des importations par Vantara. « La Fondation fera entendre sa voix pour que les pays exportateurs prouvent la légalité de ces exportations massives, au-delà de la seule responsabilité du géant indien et des autorités-passoires qui ont permis l’entrée d’autant d’animaux d’espèces menacées sur le territoire indien », appuie Lorène Jacquet.

Pour rappel, plus de 50 000 animaux ont été exportés vers ce complexe zoologique depuis 2022, dont une part importante sont des espèces menacées et protégées par la CITES. « Il apparaît urgent de prendre des mesures appropriées pour protéger la faune sauvage face aux demandes extravagantes d’un parc qui fait l’objet de nombreuses dénonciations et suspicions sur la scène internationale », insistent les eurodéputés. Et cette protection s’avère plus que nécessaire à l’heure même où le trafic d’espèces sauvages gagne du terrain et participe à la 6ème extinction de masse de la biodiversité qui s’annonce.