L’Institut congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) envisage le transfert de chimpanzés – recueillis et réhabilités dans des sanctuaires – vers le zoo de la capitale à titre expérimental. Un projet en totale contradiction avec les enjeux de conservation de l’espèce, victime de trafic et de braconnage. La Fondation 30 Millions d’Amis interpelle la ministre congolaise de l’Environnement et du Développement durable sur le sort de ces primates.
Depuis quelques semaines en République Démocratique du Congo (RDC), les sanctuaires et centres de réhabilitation qui recueillent et réhabilitent des primates sont mis sous pression. L’Institut congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN), organisme d’État chargé de la gestion de la biodiversité dans les aires protégées du Congo, projette le transfert des chimpanzés soignés dans ces établissements vers… le zoo de la capitale, Kinshasa ! Ce projet, qui s’inscrit dans le cadre d’un programme de réhabilitation des jardins zoologiques et botaniques de RDC, inquiète vivement les associations locales et la Fondation 30 Millions d’Amis.
Zoo de Kinshasa ©DR
« Tentative de kidnapping »
Récemment, l’ICCN a fait une descente au centre de réhabilitation LWIRO afin de faire transférer douze chimpanzés vers ce zoo. Heureusement, « l’opposition de l’équipe du sanctuaire a permis de faire échec à cette tentative de kidnapping, et d’éviter aux chimpanzés soignés dans ce sanctuaire de rejoindre, sans précaution aucune, les installations vétustes et parfaitement inadaptées de cet établissement », précise Lorène Jacquet, responsable Campagnes et Plaidoyer à la Fondation 30 Millions d’Amis.
À la suite de cette opération avortée, l’ICCN a publié un communiqué officiel qui se veut maladroitement rassurant sur ses intentions et sur les objectifs de ce programme. L’organisme mentionne notamment l’aménagement et la réhabilitation des infrastructures du parc zoologique conformément aux standards internationaux, la recherche scientifique et l’expérimentation des techniques de reproduction…
La Fondation 30 Millions d’Amis interpelle le gouvernement congolais
Préoccupée par le sort des protégés de ses partenaires congolais P-WAC et Lola ya Bonobo, la Fondation 30 Millions d’Amis – rejointe dans sa démarche par la Fondation Born Free, Humane Society International et IFAW - est intervenue auprès de la ministre de l’Environnement et Développement durable de République Démocratique du Congo, Eve Bazaiba.
Dans un courrier envoyé le 11 février, la Fondation 30 Millions d’Amis et ses partenaires alertent la ministre sur les besoins physiologiques et comportementaux de l’espèce : « Les chimpanzés sont des êtres complexes qui partagent 98.6 % de leur patrimoine génétique avec les humains. Leur réhabilitation est un véritable métier, exigeant des infrastructures adaptées et des compétences spécifiques afin notamment d’instaurer un lien de confiance à long terme. »
Des chimpanzés victimes du trafic d’espèces protégées
Les primates recueillis au sein des sanctuaires et centres de conservation sont issus de sauvetages, principalement dans le cadre d’affaires de trafic d’espèces protégées. Avant leur saisie par les autorités, les pensionnaires de ces établissements étaient sur le point d’être vendus sur le marché international.
L'État congolais ne peut pas sélectionner des animaux dans des structures associatives pour approvisionner un zoo !
Will Travers OBE
Souvent transportés et détenus dans des conditions inadaptées, malnutris et violentés, ces animaux rescapés ont vu leur famille être décimée sous leurs yeux. « Lorsque des mères sont tuées, les bébés vivants sont capturés et alimentent le commerce illégal d’animaux sauvages afin de répondre à la demande d’animaux de compagnie exotiques illicites ou pour que ces bébés deviennent des attractions », précise l’Institut Jane Goodall sur son site Internet. L’organisation mondiale de conservation estime par ailleurs le nombre de chimpanzés tués pour la capture d’un juvénile à une dizaine d’individus.
Will Travers OBE, président et cofondateur de la Fondation Born Free, dénonce un « projet de l'ICCN mal orienté » et exhorte l’organisme à « donner la priorité aux efforts de lutte contre le braconnage qui alimente le trafic d’espèces protégées ». Car, en portant les traumatismes du braconnage dont ils ont été victimes, les animaux rescapés nécessitent des soins et un environnement propices à leur réhabilitation et à leur bien-être. « Nous ne pouvons accepter que l'État puisse venir sélectionner des animaux auprès d'organisations dont la mission, vivement soutenue à travers le monde, est de protéger ces primates, d'en prendre soin et, dans la mesure du possible, de les relâcher dans la nature. Ces établissements n'ont en aucun cas été créés, au prix d'efforts, de sacrifices personnels et de coûts considérables, pour approvisionner un zoo et soumettre les animaux rescapés à des expériences », ajoute le défenseur des animaux.
Faire de la lutte contre le braconnage une priorité
Au sein de ces sanctuaires, les primates ont construit des repères et bénéficient de soins pendant des mois, voire des années, afin d’être réadaptés à la vie sauvage lorsqu’un relâcher est possible. Par conséquent, les déraciner de leur centre d’accueil irait à l’encontre de toute logique de conservation et pourrait mettre à mal des années de travail et d’efforts de réhabilitation.
C’est pourquoi la Fondation 30 Millions d’Amis demande à la ministre de l’Environnement et Développement durable de République Démocratique du Congo, Eve Bazaiba, d’intervenir auprès de l’ICCN pour mettre un terme au plus vite à ce programme de réhabilitation, alors que la menace du braconnage et du trafic de primates demeure un fléau à combattre en priorité.
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