Cinq ans après le terrible incendie qui a failli la réduire en cendres, Notre-Dame de Paris a rouvert ses portes sous les yeux du monde entier le 7 décembre 2024. L’édifice est également un gîte pour la biodiversité. Selon Elsa Caudron, chargée de projet Nature en Ville et Aménagement du Territoire à la LPO Ile-de-France, les espèces sauvages réinvestissent le monument, à la faveur d’une quiétude retrouvée. Entretien avec 30millionsdamis.fr.
« En dessinant cette carte postale qu’est la cathédrale de Notre-Dame, l’Homme a, sans le savoir, construit une pyramide écologique », rapportait Allain Bougrain-Dubourg, Président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), dans Les animaux du monde, en 1976. Près de 50 ans plus tard, on constate toujours la présence d’une grande biodiversité sur le célèbre monument. Oiseaux et autres chauves-souris profitent des 1001 cachettes qu’offre le site, entre statues, trous, recoins divers et gargouilles...
Débords, statues : « C’est presque conçu pour eux »
Au 1er étage, vous avez les moineaux, au 2ème, les martinets, les pigeons colombins, et au dernier étage les faucons crécerelles
Elsa Caudron, LPO
L’incendie de 2019 et les travaux qui ont suivi ont perturbé la fréquentation de ces petits visiteurs. Mais la réouverture, synonyme du départ de la majeure partie des ouvriers, devrait signer leur retour : « Au 1er étage, vous avez les moineaux qui viennent se poser, au 2ème, vous pourrez avoir les martinets, les pigeons colombins, puis au dernier étage ce sont les faucons crécerelles », détaille Elsa Caudron, chargée de projet Nature en Ville et Aménagement du Territoire à la LPO Ile-de-France, contactée par 30millionsdamis.fr.
Un monument aux caractéristiques parfaites pour accueillir cette faune urbaine… « C’est une architecture avec énormément de débords, de découpes, avec la statuaire, c’est presque conçu pour eux. Vous avez les moineaux qui se mettent derrière la statuaire par exemple, et puis vous avez les faucons qui vont nicher dans les trous des pinacles, ça fait des petites maisons pour eux, c’est vraiment parfait. » Sans oublier les abords de l’édifice, avec les arbustes du square Jean-XXIII et la Seine, qui leur offrent certaines ressources à proximité.
Un appel entendu
Le drame de 2019 – et ses conséquences – a chassé la plupart des occupants : « Les faucons étaient en train d’essayer de nicher quand il y a eu l’incendie donc ils se sont enfuis, explique Elsa Caudron. Ils ont essayé de revenir mais les drones qui prenaient des relevés leur ont fait peur, ils sont partis. » Avant de revenir en 2022… Un couple est effectivement parvenu à faire une nichée, donnant naissance à 4 fauconneaux. « Il y a eu des périodes à Notre-Dame où il y avait jusqu’à 5 couples de faucons crécerelles. Là c’est sûr qu’avec des travaux jours et nuits, les échafaudages, il y a forcément un dérangement. » Concernant les chauves-souris, si la LPO ne dispose pas vraiment de données, l’éclairage nocturne perturberait néanmoins fortement leur venue pour l’instant.
Retour du faucon crécerelle sur la bâtisse ©J. LEJEUNE
Les équipes de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) ont suivi de près l’énorme chantier parisien pour tenter de préserver au mieux cette biodiversité. « On a demandé que les trous de boulins (trous carrés qui servaient autrefois à placer les échafaudages, ndlr) ne soient pas obstrués. Car ce sont des cachettes idéales pour les faucons crécerelles par exemple, qui font très souvent leurs nids dans ces cavités-là. » Un appel que l’Établissement public chargé de la conservation et la restauration de Notre-Dame a entendu, selon la LPO: « S’il y a des animaux qui s’installent, c’est bien », se satisfait l’organisme présidé par Philippe Jost.
Sensibilisation sur le chantier
Tout un volet sensibilisation a été mis en place pour que les animaux ne se blessent pas sur le chantier (qui durera encore quelques années malgré la récente réouverture du site au public). « Les recommandations ont été diverses, comme pour la pose des filets et leurs dimensions à respecter pour ne pas que des animaux restent coincés dedans ; comment intervenir si on voit un animal ; certains pouvaient également être tentés d’enlever des nids d’hirondelles par exemple, alors que c’est interdit par la loi », précise Elsa Caudron.
De son côté, Hugo de Vergès, bénévole à la LPO Ile-de-France, coordonne le suivi des rapaces : « On fait ce qu’on appelle des observations opportunistes. On va se positionner à des endroits stratégiques autour de la cathédrale, et on va aller dénombrer les espèces qu’on voit », explique-t-il à 30millionsdamis.fr. En période de reproduction, là où les espèces vont chercher des sites de nidification, cette expérience est renouvelée au moins une fois par semaine pendant minimum une heure… Cela peut être beaucoup plus pour les plus passionnés, et les plus patients !
Des observations méticuleuses
S’ils récoltent des indices, ils poussent l’observation afin de caractériser la nidification. « Sur de potentiels nids, on va par exemple chercher à voir si les individus qui font des allers-retours apportent des proies, est-ce qu’il y a des copulations entre eux, etc… » Une fois que le nid est trouvé, il faudra alors trouver un endroit pour l’observer, le suivre, pour notamment mieux comprendre le nombre de jeunes qui vont s’envoler. « C’est par ça qu’on arrive à avoir des données, combien de couples se sont reproduits sur un site, année après année. »
©JB. Alemmani
Pour préserver cette biodiversité, la LPO souhaite transformer le square Jean-XXIII en « refuge LPO, c’est un vœu de la Ville de Paris ». Une mesure qui entrainerait une gestion plus écologique, permettant notamment aux moineaux qui fréquentent la cathédrale de trouver des ressources alimentaires à proximité et de se cacher dans des buissons. Mettre des nichoirs sur les abords de la cathédrale, côté Seine, a aussi été proposé par l’association. Des atouts supplémentaires pour que tous les « fidèles » de Notre-Dame de Paris puissent se réapproprier les lieux.
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