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Don d’organes et greffe sur les chiens et chats : où en est-on ?

Les chats sont de meilleurs "candidats" que les chiens aux dons d'organes et greffes. ©AdobeStock

Un message poignant a été adressé à la Fondation 30 Millions d’Amis, de la part d’une dame démunie face à la maladie de son chien. Seule la greffe d’un rein permettrait de le sauver. Malheureusement, cela n’est plus pratiqué sur nos compagnons canins. À l’occasion de la journée nationale de réflexion sur le don d’organes et la greffe, 30millionsdamis.fr a recueilli les explications de vétérinaires sur cette technique médicale appliquée aux animaux.

« Je me permets de vous envoyer un mail car mon chien Nickson qui n’a que 6 ans, a les deux reins très endommagés. Je recherche un vétérinaire qui pourrait lui faire une greffe de reins. J’ai contacté l’école vétérinaire de Nantes (ENVN). J’essaie de tenter tout mon possible pour que mon chien puisse être sauvé et vivre le plus longtemps possible sans souffrance surtout, peu importe le coût. Lydie ». Ce message poignant a été adressé à la Fondation 30 Millions d’Amis il y a quelques jours. Malheureusement, la maîtresse de Nickson a reçu une réponse négative : l’ENVN ne pratique plus les greffes de reins chez les chiens, eu égard à des résultats jugés « trop mauvais ». 

Les chats, de « meilleurs candidats »

« Bien que la chirurgie soit plus délicate chez les chats en raison de la petitesse des vaisseaux et de l’uretère, ils sont de meilleurs candidats à ce type d’opération, précise Jack-Yves Deschamps, professeur en urgences-soins intensifs à Oniris, à Nantes (Le Point Vétérinaire). La prévention du rejet est plus facile à gérer et les résultats sont donc nettement supérieurs. »

 

La technique n’est pas insurmontable, mais il convient de gérer les imprévus.

 Jack-Yves Deschamps, professeur en urgences

Pourtant, en 2007, un chien avait bien pu bénéficier de la première transplantation rénale réalisée sur un animal. Ce rottweiler de 4 ans souffrait d’une insuffisance rénale chronique terminale ; ses maîtres étaient prêts à tout pour le sauver. Si l’intervention s’était bien passée, Uton est malheureusement décédé quelques jours plus tard, eu égard à une intolérance aux immunosuppresseurs. L’année suivante, c’est un chat qui recevait une transplantation, avec davantage de succès, bien que sa survie ne fut que de quelques mois. Depuis, l’ENVN réalise en moyenne une transplantation rénale par an, pour des maladies spécifiques et préalablement définies, exclusivement sur des félins. 

Des interventions complexes

En 2019, c’est à la clinique des Pierres-Dorées, près de Lyon (69), que Tara, une chatte de 3 ans, a bénéficié d’une transplantation rénale, alors que son pronostic vital était engagé. Pour réussir cet exploit, les vétérinaires ont été assistés de chirurgiens spécialisés dans les opérations sur humains. « Sauver une vie, quelle qu'elle soit, est gratifiant. Alors quand les vétérinaires de la clinique des Pierre-Dorées nous ont parlé de ces deux jeunes chats, nous y sommes allés sur notre temps libre, assure le Pr Sébastien Crouzet (Le Parisien). Nous avons apporté aux équipes notre culture de la greffe humaine, prodigué des conseils techniques. Nous sommes dans une démarche de transmission afin qu'ils puissent ensuite le faire entièrement par eux-mêmes ».

Car la complexité de telles interventions implique non seulement des structures adaptées à même d’assurer le retrait, la conservation, voire l’acheminement des organes, mais également des praticiens formés et expérimentés. « La technique n’est pas insurmontable, mais il convient de gérer les imprévus (artères surnuméraires, vaisseaux courts ou lésés, uretère abîmé, etc.), confirme le Pr Deschamps. À ce jour, nous ne réaliserions pas ce type d’intervention sans un urologue à nos côtés. De plus, la réanimation nécessite un service de soins intensifs performant ».

Des conditions spécifiques au donneur et au receveur

Une fois ces écueils techniques surmontés, encore faut-il que le receveur soit suffisamment docile pour accepter à la fois les soins prodigués par le vétérinaire, et les médicaments administrés par son maître. Après la chirurgie lourde qu’il doit subir, l’animal doit vivre sous immunosuppresseurs (médicaments anti-rejet), avec leur cortège d’effets secondaires non négligeables.

Du reste, le maître de l’animal doit prendre conscience des efforts qu’une telle intervention implique, en termes de coûts financier et moral. « Nous imposons un délai de réflexion d’une semaine pour ne pas prendre de décision hâtive dans une période de fragilité, prévient le Pr Deschamps. La plupart des personnes qui nous sollicitent pour une transplantation rénale ne vont pas au bout de leur démarche : il leur a fallu le temps de l’acceptation du deuil à venir ».

Mais le plus difficile reste encore de trouver un donneur… « Il faut une compatibilité receveur/donneur, assez difficile encore à évaluer », rappelle le Dr vétérinaire Brigitte Leblanc. Chez les félins, le groupe sanguin du donneur doit être identique à celui du receveur.  « La majorité des chats européens étant du groupe sanguin A (90 %), un chat du groupe B a une probabilité beaucoup plus faible de bénéficier d’un donneur compatible », ajoute le Pr Deschamps. L'inconvénient est la rareté des donneurs ».

Quid du consentement de l’animal ?

C’est à cette étape que l’épineuse question éthique entre en jeu. « En médecine humaine, le donneur est réputé consentant (par défaut, s’il n’a pas manifesté son refus auparavant), que le prélèvement de l’organe soit fait à sa mort ou de son vivant (puisqu’on peut vivre avec un seul rein par exemple), tandis que l’animal, lui, ne peut donner son consentement, rappelle le Dr Leblanc. C’est donc son maître qui le peut, et cela peut occasionner bien des dérives. » « Il ne s’agit pas d’un don mais d’un prélèvement, ajoute le Pr Deschamps. L’animal ne donne rien, on lui prend. » La sémantique de l’éthique, en quelque sorte.

Certes à l’école vétérinaire de Nantes (44), les praticiens recourent à des "donneurs" devant indiscutablement être euthanasiés. Si cette pratique s’apparente à la situation la plus classique en médecine humaine, toujours est-il que ce "donneur" devra quand même subir, avant son euthanasie, des tests et prélèvements pour s’assurer de sa compatibilité avec le receveur : « Ces tests préalables peuvent être sources de stress ou de douleur, même légère, regrette le Dr Leblanc. Or, l’animal ne les a pas acceptées. »

 

L’animal, lui, ne peut donner son consentement.

Brigitte Leblanc, docteur vétérinaire

La question éthique semble d’autant plus prégnante lorsque le donneur est vivant. Ainsi, à la clinique des Pierres-Dorées (69), le rein greffé sur la chatte Tara en 2019 provenait de Sushi… un autre félin de la famille, vivant et en bonne santé. Toutefois, pour le Pr Crouzet en charge de l’intervention, le problème du consentement n’est, en fin de compte, pas propre au don d’organes : « Il n'existe pas aujourd'hui de statut légal de consentement animal ; mais, par extrapolation, on pourrait dire qu'il n'a pas son mot à dire pour sa vaccination, sa castration, son euthanasie…. ». In fine, l’essentiel est peut-être de pouvoir sauver le receveur, sans nuire à son donneur : « Un chat [Tara] allait mourir, et on a pu le sauver grâce à un autre [Sushi] dont la vie restera tout à fait normale. »

Un risque d’instrumentalisation de l’animal ?

N’en demeure pas moins que le donneur vivant subit des examens, une chirurgie et un suivi post-opératoire lourds et épuisants : « Tous ces actes sont susceptibles de le faire souffrir, voire de le mettre en danger, le risque zéro en chirurgie n’existant pas, déplore le Dr Leblanc. Certes, on vit bien avec un seul rein, mais sa survie (si lui-même tombe malade ou est victime d’un accident) peut se trouver mise en péril, et là encore alors qu’il n’a consenti à rien. »

Des humains mal-intentionnés pourraient même instrumentaliser l’animal !  « Certaines personnes pourraient décider d’adopter un autre chien dans le seul but de s’en servir de donneur d’organe pour leur premier chien malade, quitte à l’abandonner ensuite, craint le Dr Leblanc. On pourrait même voir "fleurir" sur des sites généralistes des possibilités d’achat d’animaux juste dans ce but » !

En somme, chez nos 30 millions d'amis, les prélèvements et greffes d’organes demeurent des procédures expérimentales et extrêmement complexes, tant scientifiquement qu’éthiquement. « Si de telles interventions devenaient plus réalisables, il faudrait entre-temps que le statut des animaux ait évolué, et qu’il leur soit reconnu une personnalité aux yeux de la loi, conclut le Dr Leblanc. Il serait alors judicieux qu’un comité d’éthique discute au cas par cas, avec le maître de l’animal, des avantages et inconvénients d’une telle procédure, toujours dans le plus grand respect du donneur d’organe. »