Les écosystèmes marins sont menacés. Pourtant, une étude menée par 15 universitaires, répartis sur 4 continents, apporte un peu d'espoir. Les mesures de conservation mises en place depuis les années 2000 ont permis de rétablir certaines populations marines et leurs habitats. Sur la base de ces observations, les scientifiques estiment qu'il est possible de parvenir à la restauration du monde marin d'ici 2050. Tout est désormais question de (bonne) volonté ! 30millionsdamis.fr revient sur les enjeux d'un tel défi.
Changement climatique, pêche intensive, trafic maritime, exploitation minière, extraction pétrolière, ou encore, pollution plastique... Autant de menaces qui affectent la biodiversité marine ! Pourtant, une étude récemment publiée dans la revue Nature (Rebuilding marine life, 01/04/2020) révèle que tout espoir de restauration n'est pas vain, bien au contraire.
Le dérèglement climatique est assurément la principale cause de la mauvaise santé des océans, à trois égards. Tout d'abord, les évènements météorologiques exceptionnels, telles les inondations, altèrent les habitats côtiers (mangroves, marais, herbiers) qui abritent une biodiversité riche et variée. Ensuite, la hausse des températures contribue à réduire la capacité des océans à absorber le dioxyde de carbone (CO2) et, ce faisant, à aggraver l'impact du gaz carbonique sur le climat lui-même. Par la même occasion, le réchauffement des eaux de surface implique des déplacements d'espèces et affecte gravement les récifs coralliens. « Une augmentation moyenne de 1,5° C de la température de surface pourrait entraîner la disparition, sinon la raréfaction de 70 à 90 % de certaines espèces de coraux », avertit Robert Calcagno, Directeur général de l'Institut océanographique de Monaco. Or, en plus d'être précieux en eux-mêmes, les coraux abritent 30 % de la biodiversité marine et se révèlent, à cet égard, indispensables à la vie de milliers d'espèces aquatiques.
Les coraux, gravement menacés par l'acidification des océans, abritent un tiers de la biodiversité marine.
Enfin – et paradoxalement – l'absorption par les océans de près d'un quart des émissions de dioxyde de carbone (CO2) se révèle particulièrement néfaste pour la biodiversité marine. Au contact de l'eau, le CO2 se dissout et apparaît sous de nouvelles formes, dont l'acide carbonique. Cette réaction chimique contribue à la diminution d'ions carbonates, essentiels à la formation des végétaux et des animaux marins, et à l'augmentation d'ions hydrogènes (pH), responsables de l'acidification des océans. En réduisant la disponibilité des matériaux nécessaires à la formation des coquilles, l'abaissement du pH des océans impacte directement les organismes marins à squelette ou coque calcaire. Ce processus, relativement stable depuis des millions d'années, a augmenté de 26 % depuis le début du 19ème siècle. Cette accélération n'est que le résultat de l'Homme puisque l'acidification des océans s'intensifie à mesure que les émissions de CO2 atmosphérique augmentent. « Les futures prévisions dépendent surtout de leurs niveaux, alerte Jean-Pierre Gattuso, directeur de recherche au CNRS. Si la situation reste la même, l'acidification des océans pourrait croître de 150 % supplémentaires d'ici 2100 ».
De fait, l'état des océans s'est largement dégradé au cours du dernier siècle. Mais depuis les années 2000, « les chercheurs ont montré de nombreux cas de rétablissement des populations, des habitats et des écosystèmes marins », rassure Catherine Lovelock, Professeure à l'Université du Queensland. En témoignent notamment la restauration des récifs coralliens et des mangroves, l'augmentation des populations de mammifères marins (baleines à bosse, éléphants de mer du Nord, phoques gris, loutres de mer), ou encore, la diminution du nombre d'espèces menacées d'extinction (dont la proportion est passée de 18 % à 11,4 % entre 2000 et 2019). Ces bonnes nouvelles s'expliquent par la mise en œuvre de mesures de conservation efficaces, telles que le développement des aires marines protégées (dont la superficie est passée de 0,13 millions de km2 à 27,4 millions de km2 en vingt ans), la tendance à une gestion durable des pêches, la prévention de la pollution par les navires ainsi que l'encadrement du commerce des espèces menacées d'extinction.
Reconstruire la vie marine d'ici 2050 représente un grand défi réalisable pour l'humanité.
J-P. Gattuso - CNRS
En somme, « nous sommes aujourd'hui arrivés à un point de bascule, où nous pouvons choisir entre laisser en héritage aux générations futures un océan en bonne santé ou un océan irréversiblement perturbé ou épuisé, alerte Jean-Pierre Gattuso. Reconstruire la vie marine d'ici 2050 représente un grand défi réalisable pour l'humanité ». Toutefois, pour y parvenir, « il ne suffit pas de réduire la pollution ou la pression de la pêche car l'avenir de l'océan dépend également de la rapidité avec laquelle les émissions de gaz à effet de serre seront réduites », assène Carlos Duarte, Professeur à l'Université des sciences et technologies du Roi Abdallah d'Arabie Saoudite. « Le problème majeur auquel nous devons faire face est le changement climatique. Nous ne pourrons restaurer les écosystèmes marins qu'à la condition de satisfaire les objectifs les plus ambitieux de l'Accord de Paris », confirme la Professeure Lovelock. Mais encore faudra-t-il que les Etats harmonisent leurs politiques et respectent leurs engagements à l'échelle mondiale... Un défi qui se pose à l'Humanité toute entière, et qui conditionnera sa survie.
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