Les animaux de compagnie peuvent être exposés au virus, mais ils ne sont pas vecteurs du Covid-19. ©Adobe Stock /New Africa
Un vent de panique injustifié ! Ces derniers jours, de nombreuses publications sur le net laissent entendre que des animaux – et plus particulièrement des chats ou des félins sauvages – ont été contaminés par le Covid-19. Si des animaux ont bien été exposés au virus, rien ne prouve qu’ils aient développé la maladie ! Et, chose importante, aucun cas de transmission de l’animal vers l’humain n’a été recensé à ce jour. 30millionsdamis.fr vous aide à démêler le vrai du faux.
A l'origine de l'inquiétude, l'annonce récente par les autorités sanitaires belges de la découverte d'un cas « confirmé » de Covid-19 sur un chat présentant des symptômes inexpliqués (27/03/2020). Des tests réalisés sur des échantillons issus du vomi et des selles du félin auraient révélé la présence du virus SARS-CoV-2, responsable de la maladie chez l’homme. Mais plusieurs sources d’incertitudes demeurent. D’une part, les prélèvements effectués pour le test de détection du coronavirus ont été réalisés par la maîtresse du chat – elle-même malade – et non par un professionnel de santé. « Il n’est pas exclu [...] que les prélèvements suspects aient été involontairement contaminés par la propriétaire », en déduit le journaliste scientifique Florian Gouthière dans Libération.
D’autre part, même en cas de présence avérée du virus dans les selles du chat, cela ne signifie pas nécessairement que l’animal souffrait de la même maladie que sa maîtresse : « Nous n’avons actuellement aucune preuve que les symptômes de ce chat soient en lien avec le SARS-CoV-2, avertit dans La Libre Belgique le Pr Etienne Thiry, professeur à la faculté vétérinaire de Liège et membre du comité scientifique de l’Afsca. Il s’agit d’un événement rare qui nécessite confirmation. »
Le test positif ne signifie pas que le virus est toujours actif.
Dr Laetitia Barlerin
De son côté, le Dr Laetitia Barlerin, interrogée par 30millionsdamis.fr, confirme qu'« il suffit que le chat se lèche pour ingérer le virus sur ses poils. L’acidité des voies digestives de l’animal ne suffit pas à détruire le virus, ce qui explique que l’on retrouve une trace génétique dans ses selles ». En effet, la vétérinaire juge « probable » qu’il s’agisse là d’une simple contamination environnementale, à l’instar des deux chiens et du chat testés positifs au Covid-19 à Hong-Kong et dont les foyers respectifs comprenaient au moins une personne malade. « Pratiqué sur des échantillons issus de l’animal (ou du patient), le test par "PCR" [réaction enzymatique, NDLR] permet de détecter le matériel génétique du virus, explique le Dr Barlerin. Cela n’indique pas si le virus est encore actif, ni s’il est parvenu à se multiplier dans l’organisme, ni s’il est excrété, c’est-à-dire émis hors du corps ».
Ainsi, pour affirmer qu’un chat est lui-même malade du Covid-19, il faudrait prouver que le virus a réussi à proliférer dans ses propres cellules, causant des problèmes de santé. Ce qui n’est le cas d’aucun des animaux testés positifs jusqu’ici à Hong-Kong, selon les autorités locales, citées par RTL.
Nous n’avons aucune preuve que les symptômes du chat soient en lien avec le SARS-CoV-2.
Pr Etienne Thiry, faculté de médecine vétérinaire, Liège
Quant au tigre testé positif au coronavirus au zoo du Bronx aux Etats-Unis (5/04/2020), un étrange flou règne sur la situation. « Dans quelles conditions l’animal a-t-il été testé ? Pourquoi avoir recherché la présence de coronavirus, alors que le soigneur ne présentait pas de symptôme ?, se demande le Dr Barlerin. Là encore, il s’agit seulement d’une trace de virus détectée ; or, la toux sèche du félin peut s’expliquer par bien d’autres causes ». Au total, 4 tigres et 3 lions du zoo souffriraient de symptômes divers, mais « aucune autre espèce de félin (léopards, guépard, puma ou serval) sous leur responsabilité ne montrerait de signes de maladie », précise Libération. Par ailleurs, « alors qu'à New-York le taux de mortalité est en hausse et que des milliers de personnes attendent d'être dépistées, on peut s'étonner que l'on teste – aussi rapidement et dans de bonnes conditions – un tigre », s'interroge Reha Hutin, Présidente de la Fondation 30 Millions d'Amis. Aux dernières nouvelles, le tigre se porte bien. Affaire à suivre, donc...
Il n’existe actuellement aucune preuve que les animaux puissent être un vecteur du Sars-CoV2 et contaminer l’homme.
Florian Gouthière, Libération
Alors que des chercheurs du monde entier travaillent d’arrache-pied pour élucider les modes de transmission du virus responsable du Covid-19, quelques résultats provisoires sortent déjà des laboratoires. Hâtivement communiqués et relayés par les médias, ces études « font le buzz » avant même d’avoir été validées par la communauté scientifique internationale. C’est le cas d’une étude chinoise basée sur l’expérimentation animale, qui prouverait une contamination des chats entre eux par le SARS-Cov-2. L’expérience consistait à inoculer le coronavirus à haute dose à 5 félins, placés dans des cages à proximité de quelques congénères indemnes. Parmi les animaux exposés – tous euthanasiés – l’un aurait été testé positif, suggérant une transmission par voie respiratoire. Même constat pour un second groupe de chats soumis à ce procédé... aussi incertain d'un point de vue médical, que cruel. « Un exemple de plus de l'utilisation sans discernement d'animaux pour l'expérimentation ; véritable débauche de vies sans justification ! », se désole Reha Hutin.
Publié en ligne, l’article scientifique décrivant cette expérience n’a pas encore été « revu par les pairs », c’est-à-dire relu par d’autres chercheurs. En outre, l’étude devrait être reproduite par des équipes indépendantes – au prix du sacrifice de très nombreux félins – avant d’être éventuellement validée. « Là encore, beaucoup de questions se posent. Quelle dose a été inoculée aux chats ? De quelle manière ? Ce sont des détails qui comptent, relativise le Dr Barlerin. S’il est important de mieux comprendre comment le virus se transmet, voir le chat comme une "bombe à retardement" serait une erreur. Ce ne sont pas les animaux de compagnie qui vont propager le coronavirus. » Alors que la France compte plus de 13 millions de chats et 7 millions de chiens confinés en permanence à nos côtés, à ce jour, aucun de nos compagnons félins ou canins ne présente de symptômes associés avec certitude au Covid-19. Un argument statistique à prendre en compte, et à méditer !
De fausses rumeurs pourraient provoquer l'euthanasie de nombreux animaux de compagnie.
Reha Hutin
« Dans tous les pays, le mot d’ordre des autorités sanitaires est unanime : il n’existe actuellement aucune preuve que les animaux de compagnie ou d’élevage puissent être un vecteur du Sars-CoV2 et contaminer l’homme, affirme Florian Gouthière dans Libération. L’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) souligne en particulier que "la propagation actuelle du Covid-19 [étant] le résultat d’une transmission d’homme à homme, […] il n’est donc pas justifié de prendre des mesures à l’encontre des animaux de compagnie qui pourraient compromettre leur bien-être" ».
C'est le bon sens qui doit prévaloir en toutes circonstances, plaide le Dr Laetitia Barlerin : « Si le chat vit avec une personne malade, il doit rester confiné avec son maître. Il ne doit pas sortir ». Bien qu’il y ait très peu de risque que le virus présent sur ses poils ou dans sa salive s’y trouve en quantité suffisante – et toujours assez actif – pour infecter quelqu’un, les précautions élémentaires et les fameux « gestes barrières » restent de rigueur. Les professionnels de santé recommandent ainsi aux malades du Covid-19 de porter un masque en présence de leur animal, et de se laver les mains fréquemment. « En cas d’hospitalisation du maître, je conseille aux personnes qui vont prendre soin du chat de commencer par le laver [avec un shampoing adapté aux félins, NDLR] et d’éviter qu’il ne leur lèche le visage, ajoute la vétérinaire. Ce sont des mesures d’hygiène de base. » De simples règles qui suffisent à assurer notre sécurité, tout en prenant soin de nos 30 millions d’amis !
« Durant cette période difficile, il faut impérativement savoir raison garder et s'informer auprès de sources sures. De fausses rumeurs ou des informations incomplètes pourraient demain, provoquer l'euthanasie de nombreux animaux de compagnie », conclut Reha Hutin.
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