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Enquête

Coronavirus : pointés du doigt, les pangolins et les chauves-souris encore plus menacés ?

Si la chauve-souris porte des virus, ce sont les activités humaines (déforestation, consommation de viande de brousse) qui créent le danger de contagion. ©Igam Ogam /unsplash

Les chauves-souris et les pangolins ont été mis en cause pour leurs rôles respectifs de « réservoir » et « d’hôte intermédiaire » du coronavirus. Quel sera l’impact de l’épidémie actuelle sur la protection de ces animaux, déjà menacés d’extinction ? 30millionsdamis.fr fait le point.

Plus de 80 000 personnes infectées dans le monde (dont 78 000 en Chine) et pas moins de 2700 morts. Le dernier bilan dressé par l’Organisation Mondiale de la Santé (26/02/2020) fait état d’une situation inquiétante, tandis que les experts continuent de s’interroger sur les causes de l’épidémie provoquée par le coronavirus « 2019-nCoV », qui se répand depuis décembre 2019. D’un point de vue géographique, l’origine de la maladie est quasiment certaine, les premiers patients ayant pour la plupart fréquenté un marché aux poissons et aux animaux sauvages de la ville de Wuhan, en Chine. En ce qui concerne les étapes de la transmission, le mystère se dissipe au fur et à mesure des analyses génétiques menées par les chercheurs. Si la piste du serpent a pu être écartée, deux groupes d’animaux – les chauves-souris et les pangolins – sont, quant à eux, très probablement impliqués.

Interdiction temporaire du commerce d’animaux sauvages

Hébergeant une grande diversité de virus à l’origine de zoonoses [maladies infectieuses transmises à l’homme par d’autres espèces animales, NDLR], les chauves-souris constitueraient bien le « réservoir » du 2019-nCoV, c’est-à-dire que les individus en sont porteurs, mais ne développent pas la maladie. Le virus porté par les chiroptères n’étant pas transmissible à l’homme, une autre espèce a ensuite servi « d’hôte intermédiaire », permettant au virus d’acquérir sa capacité à nous infecter. Mais laquelle ? Des chercheurs de l’Université d’Agriculture de Chine du Sud ont fini par apporter une réponse plausible (7/02/2020) : si leur étude n’est pas encore publiée, leurs résultats mettent en cause… le pangolin, avec 99 % de similarité entre les séquences génétiques du virus humain et du virus porté par le petit mammifère à écailles. Une connaissance utile à l’élaboration de stratégies face à l’épidémie, mais aux conséquences plus mitigées pour les animaux pointés du doigt.

Le rôle écologique des chauves-souris devrait conduire à en protéger les populations.
Jean-François Silvain, FRB

En effet, afin d’éviter de nouveaux cas de contamination inter-espèces, et grâce à la mobilisation de 19 scientifiques chinois, l’Empire du Milieu a annoncé fin janvier une « interdiction temporaire de l'élevage, du transport et de la vente de toutes les espèces animales sauvages ». A priori, une bonne nouvelle pour ces espèces – ours, renards, crocodiles, serpents, salamandres, oiseaux… – retrouvées jusqu’ici sur les étals des marchés d’animaux vivants, des lieux qui se compteraient par centaines à travers le pays. La consommation d'espèces sauvages « est un phénomène répandu en Chine continentale », explique Rebecca Wong, Maître de conférences en sociologie à l'université municipale de Hong Kong, citée par National Geographic. L’ampleur du phénomène dépend toutefois des régions, et la jeune génération chinoise semble aujourd’hui se détourner de ces pratiques cruelles et dangereuses.

« Il y a urgence à protéger les chauves-souris »

Au-delà de cette interdiction, certains scientifiques craignent toutefois que les animaux mis au banc des accusés ne soient aujourd’hui victimes d’un mauvais procès. « Ne tirez pas sur les chauves-souris ! », interpelle ainsi Jean-François Silvain, président de la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité, dans un article d’analyse qui souligne la responsabilité des activités humaines dans l’émergence de telles maladies. « La consommation, en particulier en Afrique ou en Asie du sud-est, de viande de brousse, et plus généralement d’espèces sauvages, se traduit par des contacts physiques directs qui peuvent être à l’origine de ce type de transmission à l’Homme, explique-t-il. Réduire la prévalence des zoonoses ne passe donc pas par une éradication des populations de chauves-souris […], mais par la réduction de l’artificialisation des écosystèmes […] et par la mise en place de réglementations strictes interdisant la capture et la consommation de chauves-souris ».

Le pangolin est recherché en Asie pour ses supposées vertus anti-inflammatoires, détoxifiantes...
Atlas du business des espèces menacées (éd. Arthaud)

L’ancien directeur de recherche à l’IRD livre un vibrant plaidoyer pour les mammifères ailés, victimes de préjugés alors qu’ils jouent un rôle crucial dans nos écosystèmes. En effet, les plus grandes chauves-souris (mégachiroptères) pollinisent les plantes dont elles se nourrissent, y compris les manguiers, les goyaviers et les anacardiers (noix de cajou), tandis que les plus petites (microchiroptères) consomment de grandes quantités de moustiques ou d’insectes ravageurs de culture. « Le rôle écologique des chauves-souris devrait donc conduire à en protéger les populations. Il y a là urgence car de nombreuses populations de ce groupe original de mammifères sont aujourd’hui en régression dans beaucoup de régions du monde, victimes des activités humaines et des changements globaux », s’alarme le chercheur, rappelant qu’en France, l’abondance des chiroptères a chuté de 38 % au cours des 10 dernières années (données de l’Observatoire National de la Biodiversité).

Plongé vivant dans l’eau bouillante pour faire tomber ses écailles

Le pangolin détient, quant à lui, le triste record du mammifère sauvage le plus braconné dans le monde*… avec 200 000 individus massacrés chaque année ! « Le pangolin est culinaire et apothicaire. La chair, les écailles, le sang, la tête et les fœtus sont particulièrement recherchées en Asie pour leurs supposées vertus anticoagulantes, anti-inflammatoires, détoxifiantes […]. Dans le pays de capture et de transit, le pangolin est plongé vivant dans l’eau bouillante pour faire tomber ses écailles », peut-on lire dans l’Atlas du business des Espèces menacées (éd. Arthaud, 2019). Un pangolin entier se négocierait jusqu’à 5000 euros en Chine ! Avec seulement un petit par an par femelle, le rythme de reproduction de l’animal ne permet pas de renouveler sa population, décimée par les trafiquants.

L’interdiction du commerce d’animaux sauvages actuellement en vigueur en Chine ne profitera pas nécessairement au pangolin, la vente du mammifère à écailles étant déjà punie d’au moins 10 ans de prison. Ainsi, selon la revue Nature, l’animal ne faisait même pas partie de la liste officielle des espèces vendues sur le marché où se seraient produites les premières contaminations, bien que sa présence y fût très probable. Lors l’épidémie de SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère, une autre maladie due à un coronavirus), en 2003, le gouvernement chinois avait déjà prohibé la vente d’animaux sauvages… avant de lever l’interdiction 6 mois plus tard, les activités clandestines ayant pris le relais entre-temps, rappelle National Geographic. Sensibilisation de la population, aide financière pour la reconversion des vendeurs locaux, de nombreuses précautions seront nécessaires pour obtenir, cette fois-ci, une interdiction efficace et pérenne. Encore faut-il que la volonté politique soit au rendez-vous !

Mise à jour (AFP) : Le comité permanent du Parlement chinois a approuvé une proposition "pour interdire complètement" le commerce d'animaux sauvages, "abolir la mauvaise habitude de trop consommer des animaux sauvages et protéger efficacement la santé et la vie de la population", a rapporté la télévision d'Etat CCTV (24/02).

*Il existe en fait 8 espèces de pangolins différentes, dont la moitié vit en Asie et l’autre en Afrique.