Fondation 30 Millions d’Amis : Vous remontez à l’Antiquité pour expliquer la genèse du rapport de l’Homme à l’animal. Avons-nous fait des progrès ?
Patrice Rouget : Cette question remonte aux débuts de la pensée occidentale, c’est-à-dire à la philosophie grecque, et a continué de hanter la philosophie au cours de son histoire. C’est en effet un problème central, qui ne concerne pas seulement les animaux mais aussi, bien entendu, l’homme lui-même, qui va se considérer différemment selon qu’il accepte, ou non, les points communs qu’il a avec eux. Mais on ne peut pas dire qu’il y ait un progrès : la philosophie s’est essentiellement appuyée, au cours de son histoire, sur une conception humaniste, qui sépare radicalement l’animal de l’homme. Certes, il y a eu des exceptions : des philosophes, des penseurs, des écrivains et des artistes se sont insurgés contre cette conception. Mais globalement, c’est elle qui a dominé.
F30MA : A quand datez-vous la prise en compte du bien-être animal dans notre société moderne ?
Patrice Rouget : On peut faire remonter cette prise de conscience à l’Anglais Jeremy Bentham* théoricien de la pensée utilitariste, qui propose d’évaluer les actions humaines en fonction de leur utilité, c’est-à-dire de la quantité de plaisir ou de bonheur qu’elles procurent. Sa remarque sur la question animale est restée célèbre : « En ce qui concerne les animaux, la vraie question est : peuvent-ils souffrir ? » Sa réponse, naturellement, était oui, et elle impliquait que les hommes devaient se soucier du sort des animaux, et ne pas leur infliger de souffrances inutiles. Pour Bentham, toute souffrance qui ne produirait pas, par ailleurs, un bonheur supérieur à elle, devrait être bannie. Cette conception est aujourd’hui assez largement répandue parmi les défenseurs des animaux, aux Etats-Unis en particulier. Elle justifie, par exemple, que l’on s’abstienne de tuer les animaux pour le simple plaisir de les manger, puisque dans ce cas, la disproportion entre la souffrance infligée et le plaisir procuré est trop grande. Elle marque donc indéniablement un progrès mais elle reste liée à l’idée que l’on doit évaluer le traitement des animaux, et l’éventuelle souffrance qu’il entraîne, en fonction du seul critère du profit que pourra en retirer l’homme. Cette conception ne considère donc pas le droit de vivre sa vie comme un droit fondamental et inaliénable pour les animaux.
N1C0LAS 16/07/2014 à 17:57:54
"...les souffrances animales sont donc considérées comme « utiles ». C’est ainsi, par exemple, qu’on entasse des chevreaux dans des cages faites pour les volailles, de manière à les transporter en plus grand nombre, donc de façon plus rentable, ou encore qu’on égorge des animaux sans étourdissement " ou encore qu'on les mange non pas par nécessité (l'alimentation végétalienne existe et est même largement conseillée par les organisations de santé) mais par plaisir. On finance les élevages et abattoirs parce que la viande c'est bon et non parce qu'elle est nécessaire. Notre droit au plaisir gustatif de la chair est jugé par beaucoup de gens comme étant supérieur au droit à la vie sans souffrances des non humains.