
Dans son roman « D’une beauté sauvage » - récompensé par le Jury du Prix Littéraire 30 Millions d’Amis - Christian Signol aborde la problématique très clivante du retour du loup sur le plateau du Limousin. / ©Pascal Ito
Le roman « D’une beauté sauvage » (éd. Albin Michel), de Christian Signol, a été couronné du Prix littéraire 30 Millions d’Amis. Ce récit oppose éleveurs et défenseurs de la biodiversité sur le retour du loup dans la région du Limousin. Entretien avec l’auteur.
30millionsdamis.fr : vous êtes l'heureux lauréat 2025 du Prix Littéraire 30 Millions d’Amis, qu'est-ce que cela représente pour vous ?
Le Prix Littéraire 30 Millions d’Amis représente beaucoup pour moi, de par son jury prestigieux, et du fait qu’il récompense une œuvre littéraire sur les animaux. Quand – enfant – j'ai lu « Croc-blanc » de Jack London, je me suis fixé l’objectif d’écrire un roman sur les loups. Et c'est arrivé très tard, c'est-à-dire il y a seulement deux ou trois ans. Quand j’ai posé les premiers mots du livre, je ne pensais pas que ce sujet prendrait des dimensions aussi conflictuelles.
Dans ce contexte conflictuel, qu'est-ce qui vous a motivé à publier un ouvrage sur le loup ?
Dans son roman « Croc-blanc », Jack London met en scène directement les loups en écrivant avec le regard de l’animal. C'est ce que j'ai voulu faire. Puis, la possibilité de le situer dans la forêt limousine, dans une région que je connais très bien, cela a été déterminant dans l’écriture de mon roman [des meutes de loups ont été observées sur le plateau du limousin en début d’année 2025 : ndlr]. Mais je ne l’ai pas écrit par opportunisme, je l'ai fait parce que ce roman me paraissait indispensable pour montrer qu'une cohabitation avec le loup est possible.
En présentant différents points de vue sur la présence du loup dans le Limousin, avez-vous appris des choses nouvelles sur le canis lupus ?
À la rédaction du roman, je me suis rendu compte que la problématique autour du loup était très complexe. C’est un vrai sujet de division entre les éleveurs et les représentants de la biodiversité dont je fais partie. Je pense personnellement que l'humanité n'a pas le droit – ni pour des raisons éthiques ou morales – d'éradiquer une espèce.
D’un autre côté, je me mets aussi à la place des éleveurs qui vivent une situation économique difficile et qui ont déjà trouvé des brebis égorgées ; une circonstance dont j’ai déjà été témoin et que je n’ai pas envie de revivre une seconde fois. Ces deux aspects créent une problématique. De mon point de vue, je trouve tout aussi douloureux de voir un loup tué par balle que des brebis égorgées. Prendre parti était difficile. C'est peut-être pour cette raison que j'ai employé le regard des loups assez souvent dans mon roman. Cela me permettait d'échapper à l'une et à l'autre des parties.
Pourtant, certains passages laissent penser que vous vous rangez du côté des défenseurs de l’environnement. Par exemple, lorsque l’un des protagonistes – un éleveur et anti-loup – refuse de tirer sur l’animal.
Oui, parce que voir des animaux d'une telle beauté tués est terrible. Mon roman présente une situation très conflictuelle que j'ai essayé de résoudre du mieux possible.
Vous évoquez justement cette situation conflictuelle à la toute fin du roman, dans une note personnelle. Vous rappelez, par exemple, la régression de la protection du loup dans la Convention de Berne. En parallèle, l'Office français de la biodiversité (OFB) a récemment recensé 1.082 loups. C'est un chiffre qui reste globalement stable par rapport aux autres années. Cependant, l'État français va inaugurer en 2026 un assouplissement de la politique de régulation du loup qui permet aux éleveurs de tuer l'espèce sans autorisation préalable…
Il ne faut pas que la loi évolue défavorablement contre le loup.
Christian Signol
Avant 2024, le loup était une espèce strictement protégée. Elle est devenue ensuite une espèce seulement protégée au sein de la Convention de Berne. Et ce changement autorise effectivement à exercer beaucoup plus de « représailles » – si je-puis dire – sur les loups. Et même si la population lupine reste stable, l'espèce se retrouve quand même de plus en plus menacée, puisque que [les politiques] réduisent sa protection. Pour autant, je ne pense pas que cela mette l'espèce en péril définitif. En tout cas, je l'espère. Il ne faut pas que la loi évolue défavorablement contre le loup. Il y a quand même une limite qu'il ne faudra pas franchir.
Vous, pensez-vous que la cohabitation est possible entre l’Homme et le loup, comme le suggère votre roman ?
Absolument. Elle est possible et elle le deviendra. D'ici combien de temps ? Il faudra peut-être encore quatre, cinq ans, mais on va y arriver ! Il faut aider les éleveurs bien plus qu'on ne le fait aujourd’hui, notamment en créant des brigades loups, c'est-à-dire des brigades qui sont chargées de surveiller les troupeaux.
J'ai essayé dans ce livre, avec le regard des loups, le regard des éleveurs et le regard de défenseurs de la biodiversité, de montrer qu'une cohabitation était possible comme elle l'est dans les Abruzzes, en Italie ou même chez nous, dans le Mercantour. Je pense qu’elle est possible. En tout cas, il faut y arriver.
Au début de votre roman, vous reprenez la citation de Thomas Hobbes : « L'homme est un loup pour l'homme » ...
(Rires) Cela veut dire ce que cela veut dire. L'homme est un loup pour l'homme, oui. Mais le loup ne tue pas par plaisir, contrairement à l'homme. Il le fait par nécessité, c'est-à-dire uniquement pour manger et survivre. A contrario, l'homme est capable de bien d'autres choses, hélas, de bien plus d'agressivité ou de méchanceté.
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