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Maltraitance

Maroc : 3 millions de chiens tués d’ici la Coupe du Monde 2030 ?

Les chiens de rue sont capturés « de manière brutale » avant d’être « emmenés dans des installations pour y être tués de manière inhumaine », selon une coalition internationale animale. /© SPA du Maroc-Humane Society Morocco

Face aux rumeurs d’abattage de millions de chiens au Maroc d’ici la Coupe du Monde 2030 de football organisée dans le pays, la Fondation 30 Millions d’Amis est intervenue auprès de l’Ambassade du Royaume du Maroc en France, et de la FIFA (organisatrice de l’événement sportif). Sur place, des associations témoignent.

La rumeur inquiète, les images choquent ! Depuis quelques mois, les médias du monde entier bruissent d’un plan d’abattage d’environ 3 millions de chiens errants au Maroc d’ici 2030. Année au cours de laquelle le pays coorganisera la Coupe du Monde de football avec l’Espagne et le Portugal. Des photos et vidéos de captures, circulant en nombre sur la toile, font enfler cette rumeur d’un "nettoyage" des rues avant l’échéance sportive. Une coalition internationale animale dénonce un massacre au cours duquel « presque tous les jours, des individus agissant au nom du gouvernement marocain parcourent les rues pour tirer sur les chiens avec des fusils et pistolets, les empoisonner et les attraper de manière brutale. Des chiens ensuite emmenés dans des installations pour y être tués de manière inhumaine ».

La Fondation 30 Millions d’Amis interpelle l’Ambassade du Royaume du Maroc en France et la FIFA

Une campagne d’abattage pourtant démentie par Mohammed Roudani, chef de la division de l’Hygiène et des Espaces verts, à la Direction générale des Collectivités Territoriales marocaine : « Ces informations sont dénuées de tout fondement », a-t-il déclaré auprès de l’agence de presse MAP en février 2025. En dépit de ces dénégations, la Fondation 30 Millions d’Amis a envoyé une lettre à l’Ambassade du Royaume du Maroc en France pour faire part de sa « vive et légitime indignation » en raison d’informations persistantes sur ce sujet. Un courrier resté sans réponse malgré nos relances. Parallèlement Reha Hutin, la Présidente de la Fondation 30 Millions d’Amis, a également écrit à la FIFA (Fédération Internationale Football Association), organisatrice de l’événement sportif, appelant son président Gianni Infantino à « intervenir auprès des instances marocaines pour que la Coupe du Monde de football n’entraîne pas – en amont – la mort de millions de chiens ».

En 2017, le roi Mohammed VI avait pourtant fait part de « sa volonté d’un plan opérationnel de stérilisations des chiens errants », dans un courrier adressé à la Fondation Brigitte Bardot.

Des chiens attrapés « avec une violence inouïe »

Sur place, les témoignages se recoupent. Julia (fondatrice du sanctuaire Nos Amis pour la Vie) affirme avoir été témoin d’une scène choquante dans la rue dès 2020, peu de temps après son installation près de Marrakech : « J’ai vu ce camion prendre des chiens, parfois avec des pinces, en les faisant souffrir, confie-t-elle à 30millionsdamis.fr. J’avais beau hurler, je me suis sentie complètement impuissante face à cette situation. Ce qui m’a terrorisé, c’est la violence inouïe avec laquelle ils ont été attrapés. » Un exemple de capture qu’elle a notamment publié sur son compte Instagram.

Un chien attrapé et mis en cage. /© SPA du Maroc-Humane Society Morocco

Selon la jeune femme, ces opérations violentes se sont intensifiées depuis deux ans (ndlr, 2023, l’année de la nomination du Maroc comme pays coorganisateur de la Coupe du Monde 2030, avec l’Espagne et le Portugal. À noter qu’en plus de cet événement planétaire, le pays recevra également la Coupe d’Afrique des nations de football fin 2025). « On voit qu’il y a eu un investissement de fait dans les camions par exemple. Ce ne sont plus les mêmes. Maintenant ils sont plus discrets, comme pour pouvoir agir en attirant moins l’attention. »

 

« Si le TNVR était vraiment appliqué par les autorités, alors où sont maintenant tous ces chiens ? » 

A.Izddine, SPA du Maroc

Ali Izddine, fondateur de la Société Protectrice des Animaux du Maroc (SPA du Maroc), affirme être régulièrement témoin de scènes insoutenables dans les rues marocaines : des chiens capturés brutalement, parfois jusqu’à la mort. Il confie à 30millionsdamis.fr avoir suivi à plusieurs reprises ces « fourgons de la mort ». De son côté, le gouvernement affirme que ces captures viseraient à lutter contre la prolifération des chiens errants et la rage, à travers l’application de la méthode TNVR (Trap-Neuter-Vaccinate-Return – Capturer, Stériliser, Vacciner et Relâcher). Les animaux seraient, selon cette version, pris en charge dans des dispensaires spécialement mis en place.

Mais pour Ali Izddine, il ne s’agit que d’un écran de fumée : « Le ministère de l’Intérieur prétend capturer 300 000 chiens par an, mais j’ai moi-même assisté à des scènes d’empoisonnements et d’abattages dans les rues, et notre association reçoit régulièrement des vidéos documentant ces actes. » Et d’ajouter : « La preuve irréfutable : si le TNVR était réellement appliqué, j’ai deux questions simples. Où sont tous ces chiens aujourd’hui ? Pourquoi ne les voit-on pas revenir dans les rues ? »

À Casablanca, la mairesse Nabila Rmili affirme que 250 000 chiens sont capturés chaque année dans la commune. De son côté, la société de gestion déléguée Casa Baia mentionne sur son site officiel 20 000 captures de chiens et chats par an. « Ces données en soi soulèvent une question essentielle : où sont donc ces centaines de milliers d’animaux censés être relâchés après stérilisation et vaccination ? », s’interroge le protecteur des animaux.

Coups de fusils et « boulettes empoisonnées »

Lorsqu’elles ne disposent pas de fourrières, de moyens humains, de temps ou qu’elles jugent tout simplement cela plus « pratique », certaines communes auraient recours à des méthodes expéditives : « Il y a de l’abattage avec des fusils. Ils les ratent, les chiens crient, ils ne les achèvent même pas. Ils s’en vont et les laissent en train d’agoniser », rapporte Ali Izddine. « Quand ils n’arrivent pas à attraper les chiens, ils leur balancent des boulettes empoisonnées, témoigne de son côté Julia. Nous avons été face à de nombreux chiens qui agonisaient sous nos yeux. Nous avons dû appeler en urgence des vétérinaires pour abréger leurs souffrances. »

Un animal visiblement empoisonné. /© SPA du Maroc-Humane Society Morocco

Si l’on en croit une information publiée par la SPA du Maroc sur son compte Instagram en juillet 2024, un autre cap pourrait être franchi en ce qui concerne les empoisonnements. Une « source sûre » leur aurait appris qu’une commande de 3 millions de doses de poison aurait été passée par l’État marocain. « Si cela s’avère exact, nous sommes clairement en train de franchir une nouvelle étape, bien plus grave », ajoute A.Izddine.

Si à ce jour, aucun déploiement effectif n’a été observé, cette commande – si elle est avérée – fait néanmoins craindre au directeur de la SPA du Maroc l’utilisation d’une méthode « plus discrète » pour éviter les scènes de rue violentes — cris, fusils, abattages — qui choquent l’opinion publique et ternissent l’image du pays à l’international. « Aucun animal n’est empoisonné au Maroc — à l’exception notable des chiens et des chats. Ce seul fait suffit à comprendre les intentions qui se cachent derrière une commande aussi massive. Il est évident qu’une telle opération ne pourrait pas viser d'autres types d’animaux : ce poison est destiné aux chiens et aux chats des rues. C’est pourquoi nous redoutons un recours à l’empoisonnement car capturer trois millions d’animaux en si peu de temps est tout simplement irréalisable. »

Les associations demandent à être entendues par le gouvernement

Le gouvernement marocain semble « dépassé par les événements et ne pas se rendre compte qu’il ne sert à rien de capturer et de tuer des chiens pour réduire une population puisque les chiennes qui arrivent à échapper aux opérations de capture se reproduisent », analyse Ali Izddine. Pire, « comme la nature a horreur du vide, la femelle aura encore plus de périodes de chaleur, et va faire encore plus de chiots. Ce qui ne fera qu’aggraver le problème. Sans compter les questions d’appropriation de territoires vides par d’autres chiens étrangers à certains quartiers, provoquant conflits et accroissant les risques de propagation de la rage. »

Un procédé paraissant donc contre-productif, dangereux et inefficace avec une population qui se reconstitue, parfois plus vite qu’avant, et une situation sanitaire qui se détériore. Pour le protecteur des animaux, il y a clairement « un manque de volonté politique, d’humanité, de pragmatisme et de vouloir croire les gens qui sont sur le terrain. S’ils utilisaient les fonds dont ils disposent dans des vraies campagnes de stérilisation, d’ici le Mondial on verrait des résultats ! »

 

« On sait attraper les chiens, on sait les stériliser, mais on n’a pas de moyens. »

Julia, sanctuaire Nos Amis pour la Vie

De son côté, Julia trouve inadmissible de « voir ces chiens pour lesquels [les associations] dépense[nt] de l’argent pour les stériliser, les vacciner… être tués. Car ceux qui les capturent ne regardent même pas si les chiens sont déjà vaccinés et bouclés. Ils les prennent tous ! » Son ONG a été « la première association à stériliser les chiens dans la ville de Marrakech », et donne un bon exemple de contrôle d’une population canine et de lutte contre la rage dans un territoire donné. « On a stérilisé, vacciné dans un quartier en centre-ville. Les gens qui les nourrissaient adoraient ces chiens. Ils étaient contents de voir qu’ils avaient des toutous en bonne santé autour d’eux. On rêve d’appliquer le TNVR quartier par quartier, les habitants veulent aider. On n’a pas de subventions pour faire plus, on sait attraper les chiens, on sait les stériliser, mais on n’a pas de moyens. On se sent démunis. »

« Ceux qui capturent les chiens ne regardent même pas s’ils sont déjà vaccinés et bouclés (ndlr, la boucle est le petit objet rouge présent sur l’oreille). Ils les prennent tous ! », confie une association. / © Nos Amis pour la Vie

La jeune femme pointe un manque d’organisation du gouvernement, avec qui le dialogue est compliqué et déplore que des « vetbus » ne soient pas déployés. « Ça existe notamment en Turquie. Ce sont des cliniques dans des bus. Les chiens peuvent être attrapés, stérilisés et ensuite relâchés. Et ça pourrait aussi permettre de contrôler ceux qui ont été stérilisés, de voir ceux qui sont malades et également de faciliter le vaccin annuel de la rage. » Et si l’animal a besoin d’antibiotiques, « si quelqu’un s’occupe de lui et le nourrit, il peut aussi les lui donner ». Ainsi, le toutou n’est pas obligé de rester plusieurs jours en convalescence dans une clinique.

Une lettre remise au roi par la SPA du Maroc

Ali Izddine continue d’agir sans relâche pour faire entendre raison aux autorités. À la mi-avril 2025, il a été reçu au Palais Royal de Rabat pour remettre en main propre une lettre adressée au roi Mohammed VI, accompagnée d’une proposition de loi sur la protection des droits et du bien-être des animaux. « S’il y a bien une autorité capable de stopper immédiatement et définitivement cette spirale de violence ainsi que d’orienter le pays vers une solution éthique, moderne et efficace, c’est uniquement notre cher Roi », insiste-t-il, avec la certitude que cet appel sera entendu.

L’heure est à la mobilisation générale. « Il faut des manifestations pacifiques devant les ambassades du Maroc à l’étranger, des campagnes de sensibilisation, du lobbying international. Il faut que des responsables politiques — en France, en Europe ou ailleurs — interpellent leurs homologues marocains. C’est une urgence absolue. » Sur le site officiel de la SPA du Maroc, une statistique glaçante résumerait à elle seule l’ampleur du drame : un chien errant serait tué toutes les 1 minute et 3 secondes, soit environ 500 000 chiens abattus chaque année.