Le corps de Morzine, jeune pygargue à queue blanche, avait été retrouvé tué par balle en février 2024. L’ouverture d’une enquête avait permis d’identifier deux chasseurs à l’origine du tir. Le tribunal correctionnel de Grenoble (38) a condamné l’un d’eux pour destruction d’une espèce protégée. Une décision saluée par la Fondation 30 Millions d’Amis.
Cinq mois après la macabre découverte de Morzine, la justice a tranché. Une jeune pygargue à queue blanche – une espèce rare et protégée – avait été retrouvée inerte au sommet d’une crête enneigée surplombant La Salette, en Isère, en février 2024. Tout juste relâché dans le cadre d’un programme de réintroduction, le rapace avait été victime d’un tir de balle après seulement quelques mois de liberté. Une plainte déposée par la LPO et Les Aigles du Léman pour destruction illicite d’espèce protégée avait conduit à l’ouverture d’une enquête. Deux suspects à l’origine du tir avaient rapidement été identifié par l’Office français de la biodiversité (OFB).
61.000 euros de dommages et intérêts
« La mort d’une espèce protégée devrait justifier une interdiction définitive de porter une arme. »
Allain Bougrain Dubourd – LPO
Mercredi 17 juillet 2024, l’un des deux chasseurs isérois mis en cause dans la mort de l’aigle a été condamné à quatre mois de prison avec sursis ainsi que 61.300 euros de dommages et intérêts. Le tribunal correctionnel de Grenoble a également prononcé à son encontre le retrait du permis de chasse et l’interdiction de détenir une arme pendant trois ans. Ces sanctions suivent les peines requises par le procureur de la République.
Le demi-frère du braconnier, présent au moment des faits, a quant à lui été relaxé de « complicité de de destruction d’une espèce protégée ». Toutefois, le tribunal lui a infligé deux amendes pour avoir déplacé le corps de l’animal. Deux plumes avaient été retrouvées lors de perquisitions menées au domicile des deux chasseurs.
« La justice semble prendre enfin la mesure de l’importance du préjudice écologique causé par de tels actes de cruauté gratuite, que seules de lourdes sanctions dissuasives peuvent permettre d’enrayer », a réagi Allain Bougrain Dubourg, président de la LPO. Ce dernier estime cependant que la suspension du permis de chasser pendant 3 ans « reste insuffisante ». « La mort d’une espèce protégée aussi rare que le pygargue devrait justifier une interdiction définitive de porter une arme », a-t-il ajouté.
Une décision saluée par les associations
Pour Jacques-Olivier Travers, fondateur des Aigles du Léman et responsable du suivi de la réintroduction des pygargues, il s’agit d’une « décision qui va faire date » (AFP). Avec un objectif de 85 pygargues réintroduites dans les Alpes d’ici 2030, le programme de réintroduction compte à ce jour 14 rapaces relâchés depuis 2022. Morzine figure le troisième individu abattu.
En mai 2024, un quatrième pygargue a été retrouvé mort dans les Ardennes, empoisonné par un insecticide interdit en France depuis 2018. Deux individus seront jugés le 30 août 2024 par le tribunal correctionnel de Troyes. Pour Cédric Marteau, directeur de la Ligue de protection des oiseaux (LPO), la traduction en justice de ces deux affaires de braconnage montrent les résultats d'un "meilleur suivi des espèces" grâce aux balises qui permettent de suivre les oiseaux, et le fait que "les magistrats prennent toute la mesure de la destruction de ce patrimoine naturel", a-t-il déclaré à l’Agence France Presse.
L’aigle le plus rare de France
Selon la LPO, le Pygargue à queue blanche est le rapace nicheur « le plus rare de France métropolitaine ». Seulement cinq couples reproducteurs sont recensés sur le territoire pour moins d’une trentaine d’individus au total. Officiellement disparue depuis 1959 en France, l’espèce a fait son grand – mais timide- retour dans l’Hexagone, et bénéficie d’un plan national d’action animé par la LPO.
Malgré les récents cas de braconnage, la LPO et le parc des Aigles du Léman ont appelé à poursuivre l’opération de réintroduction. « On se bat depuis 30 ans pour sauver le pygargue de l’extinction. La sévérité de ce jugement confirme qu’il est inacceptable de voir tous ces efforts ainsi réduits à néant et met fin au sentiment d’impunité qui prévalait jusqu’alors chez les braconniers », insiste Jacques-Olivier Travers.
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