Yannick Jadot, tête de liste EELV, milite pour la reconnaissance des droits de la nature et des animaux. / ©EELV
À quelques jours des élections européennes, Yannick Jadot (tête de liste EELV) critique le retard pris par la France au sein de l’Union européenne sur la question du bien-être animal. Député européen depuis 2009, il dévoile à 30millionsdamis.fr ses ambitions pour une Europe plus efficace concernant la protection animale.
Rédaction
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Note : 030millionsdamis.fr. Comment situez-vous la France à l’échelle européenne en termes de bien-être animal ?
Yannick Jadot. La France a repris un retard considérable sur les Etats du Nord de l’Europe. Pourtant, la mobilisation citoyenne est là. Je tiens pour cela à saluer le travail des associations de protection animale ces dernières années pour dénoncer l’intolérable souffrance des animaux dans les abattoirs, les élevages industriels ou les cirques. Mais la dénonciation appelle des actes et une traduction dans le champ politique.
Les pratiques violentes appelées « traditionnelles » comme la corrida et la chasse à courre me font honte à Bruxelles.
Ce retard peut-il s’expliquer par l’influence des lobbies de l’agriculture ou de la chasse auprès du pouvoir ?
Comme la Fondation 30 Millions d’Amis, je me suis indigné de ce gouvernement trop perméable aux lobbies qui a préféré ménager l’agro-industrie plutôt que de faire preuve de courage politique. De même, j’ai été révolté par ce chèque en blanc permanent aux chasseurs, au plus haut sommet de l’Etat, au mépris de ce mouvement de conscientisation de la condition animale dans la société civile. Ensemble, avec les associations, les citoyens et les acteurs du secteur, nous voulons changer tout ça.
Comment ?
Pour moi, une des priorités nationales est d’interdire les pratiques violentes que l’on appelle hypocritement « traditionnelles » qui me font honte à Bruxelles auprès de mes homologues européens. En disant cela, je vise surtout la corrida et la chasse à courre. Il est temps de faire table rase de ces spectacles de la barbarie qui sont une insulte à notre humanité. S’il faut croire Gandhi quand il disait : « On reconnaît le degré de civilisation d'un peuple à la manière dont il traite ses animaux », alors nous avons de quoi rougir !
Il faut changer notre modèle pour que l’agriculture soit au service du vivant, et non l’inverse.
Dans quelle mesure l’Europe agit-elle concrètement pour le bien-être animal ?
On perçoit trop peu l’influence des décisions de Bruxelles sur nos vies. De la même manière, on connaît peu ce que fait l’Union Européenne pour les animaux. Pourtant, de la protection des animaux utilisés dans l’expérimentation animale à l’obligation de la codification des œufs selon les conditions d’élevage des poules pondeuses, en passant par l’interdiction des pêches électrique et en eaux profondes - que j’ai participé à faire interdire -, nombre des avancées pour les animaux se sont faites dans notre pays parce qu’elles ont été votées par l’Europe et impulsées par les écologistes européens.
Quel sera votre combat prioritaire si vous êtes réélu député européen ?
Ils seront nombreux tant le défi est important. Mais si je ne dois en citer qu’un, ce sera de transformer les conditions effroyables de transport des animaux. Ce transport sur de longues distances est le marqueur d’une agriculture malade qui prend le vivant pour une vulgaire marchandise qu’elle trimballe d’usine en usine pour minimiser les coûts, sur fond de dumping social et environnemental. Par exemple, les veaux qui sont élevés dans un pays, engraissés dans un autre, puis abattus encore ailleurs. Pour cela, il faut changer en profondeur notre modèle agricole pour que l’agriculture soit au service du vivant, au service des européens, et non l’inverse.
Le renoncement à la fin des poules en cage dans la loi est choquant. Qu’est-ce qu’on attend ?!
Vous avez adressé une tribune contre l’expérimentation animale en soulignant que la directive européenne est inefficace. Comment expliquer cette difficulté à l’action ?
Certains pays, dont la France, ont tendance à prendre leur temps, voire à procrastiner volontairement. Au final, on a l’impression que l’Europe est loin des citoyennes et des citoyens parce que les directives européennes sont trop peu respectées. Sur la condition animale se rajoute le fait qu’il n'existe pas de politique européenne cohérente sur le sujet. C’est pourquoi nous proposons la création d’une Direction générale de la protection animale auprès de la Commission européenne. Ce « ministère européen dédié aux Animaux » veillera à l’intégration dans les textes législatifs européens de la question de la protection des animaux domestiques et sauvages. Il sera en capacité de vérifier leur application et pourra saisir la Cour de justice européenne pour poursuivre les pays membres qui manquent à leurs obligations. Lorsque les écologistes sont majoritaires ou participent à une majorité, les succès sont décisifs. Sur les élevages en cage, les écologistes français ont déjà des victoires. Prenez le conseil régional de Nouvelle Aquitaine, où nous sommes dans la majorité, grâce au travail de nos élus, la Région s’est engagée à supprimer toute subvention aux structures recourant au broyage des poussins, à la castration à vif des porcelets ou à l’élevage des poules en cage. C’est unique, c’est l’exemple de cette écologie qui agit que nous incarnons et surtout ça peut devenir prescripteur !
Vous êtes favorable à la reconnaissance des droits de la nature et des animaux…
Le droit a toujours considéré la nature et les animaux comme des objets. Les entreprises ont pourtant un statut de « personne morale », est-il si frappant qu’un chimpanzé puisse accéder à celui de « personne non humaine » quand on sait son intelligence ? Nous voulons donner des droits à la nature et au vivant : pour changer les règles du jeu face aux industries polluantes, aux climatosceptiques, aux prédateurs de la nature et du vivant et leurs lobbies, la question environnementale doit être prioritaire ! C’est pour cela que nous proposons un Traité environnemental européen, au-dessus de tous les autres Traités.
Nous ne pouvons pas nous résigner d’être à l’origine d’une telle hécatombe du vivant !
Quelle décision du gouvernement français vous a le plus révolté ?
Le renoncement à l’inscription de la fin des poules en cage dans la loi est choquant. Il est aussi révélateur de la méthode du pouvoir en place : promesse électorale puis écran de fumée pour cacher le recul, pour finir en cadeau à destination de l’industrie. A l’arrivée, ce sont des citoyens qui perdent confiance en la classe politique. La fin des poules en cage est pourtant nécessaire et le gouvernement actuel a manqué de vision en confortant la filière dans son refus d’évoluer. L’Allemagne, qui a une taille de marché équivalente, a déjà inscrit dans la loi sa sortie en 2025. En France, qu’est-ce qu’on attend ?!
Dernièrement, quel fait vous a le plus interpellé ?
Sans doute les larmes de Greta Thunberg à la tribune du parlement européen il y a un mois quand elle décrivait la 6ème extinction de masse des espèces que nous connaissons. J’ai l’impression que chaque nouvelle étude scientifique fait état de la condamnation de nouvelles espèces. Mais nous, humains, nous ne pouvons pas nous résigner d’être à l’origine d’une telle hécatombe du vivant ! Ni pour ces espèces disparues ni pour le monde que nous léguons à nos enfants. Personne ne souhaite vivre dans le silence assourdissant du vivant disparu. Nous, les écologistes, n’avons de cesse de le répéter : la planète brûle, du fait de l’action des humains, il est urgent d’agir !