Analyse de la situation par le directeur de l'Organisation Internationale pour la Santé Animale.
Vous avez été nombreux à réagir sur la situation à Bali où une épidémie de rage sévit depuis septembre 2008. Les chiens errants sont dans le collimateur des autorités locales qui ont choisi d'abattre les animaux potentiellement vecteurs de la maladie. Un abattage massif qui a choqué. Le professeur Bernard Vallat, directeur de l'OIE (Organisation Internationale pour la Santé Animale) analyse pour la Fondation 30 Millions d'Amis ce qui se passe actuellement sur l'île indonésienne et quels sont les enjeux de la campagne menée par le gouvernement balinais.
Rappel des faits... Bali, comme le reste de l'Indonésie, l'Asie du Sud-Est mais aussi l'Afrique, n'est pas indemne de rage, contrairement à la Fr
ance et à certains pays d'Europe. Depuis la déclaration des premiers cas avérés de la maladie sur l'île - fin août 2008 - cinq enf
ants sont morts d
ans des conditions particulièrement affreuses après avoir été mordus par des chiens contaminés. Aucune sorte de vaccination n'est obligatoire t
ant chez les chiens domestiques que chez les chiens err
ants et l'île enregistre chaque jour 10 nouveaux cas de rage pour une population c
anine totale estimée à 540 000 chiens, soit 96 c
anidés au kilomètre carré.

Une population dense due, en partie, au fait que les chiens sont sacrés, comme de nombreux
animaux sur cette île majoritairement hindoue. Selon les croy
ances locales, cet
animal conduit le frère aîné des P
andava, l'une des gr
andes figures de l'hindouisme, aux portes du paradis. L'Org
anisation Internationale pour la S
anté
Animale (OIE), tout comme l'Org
anisation Mondiale pour la S
anté (OMS) ont mis les autorités de Bali en garde depuis longtemps sur les risques d'une épidémie de rage d
ans l'île. Tour à tour, elles ont tenté de mettre en place des programmes de vaccinations massives, comme celle qui ont eu lieu en Fr
ance au début des
années 90. Mais les moyens fin
anciers dont dispose Bali ne sont pas ceux d'un pays européen.
Vacciner coûte cher : 5 dollars (3,8 euros). Ce montant multiplié par le nombre d'animaux à vacciner donne le vertige : plus de 2 millions euros ! L'université vétérinaire Udayana situé à Denpasar, capitale de l'île, mobilise chaque jour 1000 soignants pour procéder à la vaccination des chiens errants. Mais il faudra au moins un an avant que ces équipes n'arrivent à endiguer l'épidémie.
Or Bali vit principalement du tourisme et le risque de voir un visiteur étranger attaqué par un chien malade est trop important pour prendre le temps nécessaire à la circonscription de la maladie. Le gouvernement a donc pris des mesures radicales et se charge d'abattre massivement les populations de chiens errants dans l'île, au grand damne des associations de défense animale.
Fondation 30 Millions d'Amis : La situation à Bali aujourd'hui est particulièrement préoccupante. Pourquoi ?
Bernard Vallat : La situation que connaît Bali actuellement est la même que celle que l'on rencontre en Inde, en Chine ou encore en Afrique. Ce sont des pays d
ans lesquels la vaccination des chiens coûte trop cher. Ce sont aussi des pays où les populations de chiens err
ants sont particulièrement import
antes. Or ce sont eux les principaux vecteurs du virus. S'ils vivent en meute, cela va encore plus vite. L'
animal met plusieurs jours à mourir et l'incubation du virus peut prendre jusqu'à un mois en fonction de la proximité de la morsure avec le cerveau.
F30MA: L'abattage systématique et massif des populations de chiens errants est-elle la solution ?
Bernard Vallat : Elle est malheureusement une partie de la solution. T
ant que des campagnes de vaccinations n'auront pas lieu, ces pays connaîtront de m
anière récurrente des épidémies de rage. Mais l'abattage est une méthode barbare. D
ans nos pays, on pencherait pour une stérilisation. Mais au regard du prix de telles interventions, c'est inimaginable à Bali. Par ailleurs, abattre et vacciner n'est pas suffis
ant si l'on veut maîtriser la population des chiens err
ants. Il faut aussi éviter les décharges en plein air qui sont de véritables garde-m
anger pour les
animaux en divagation. Qu
ant à l
ancer une campagne de vaccination comme celle qui avait eu lieu en Fr
ance avec des appâts-vaccin sous forme de bouts de vi
ande, ce n'est pas possible pour l'inst
ant. Imaginez qu'un enf
ant tombe sur un appât... Ce serait une catastrophe ! C'est pourquoi l'OIE réfléchit à de nouvelles méthodes.
F30MA: Peut-on parler de maltraitance animale ?
Bernard Vallat : Certes, la maltrait
ance
animale réside définitivement d
ans le fait de ne pas protéger ces
animaux contre la rage. Mais je me permettrais juste de rappeler aux personnes tentées par l'
angélisme que la rage tue, en particulier des enf
ants. Peut-on alors parler de maltrait
ance qu
and il faut choisir entre la vie d'un chien et celle d'un enf
ant ? Je comprends la révolte des associations de défense des
animaux mais c'est aussi à elles de collecter des fonds nécessaires aux campagnes de vaccination. Il faut sensibiliser toute la population mondiale à la rage pour mobiliser les fonds publics et permettre de déclencher des méthodes de protection adéquates.
F30MA : Votre but est-il de mobiliser l'opinion publique internationale?
Bernard Vallat : Oui. Il faut bien comprendre que la rage est l'une des maladies les plus cruelles qui soient et qu'il est absolument
anormal que ce mal subsiste encore, au XXIème siècle. Et pour ne parler que d'argent, je pense aux coûts exorbit
ants des traitements suiv
ant des morsures (la rage tue 55 000 personnes par
an, NDLR)... Avec seulement 10% de la somme nécessaire aux soins de plusieurs centaines de milliers de personnes mordues chaque
année et qui s'en sortent, on pourrait éradiquer la rage en mett
ant en place des campagnes de vaccination dignes de ce nom.
gamin51 26/04/2009 à 22:32:05
Si le chien est un animal sacrè, pourquoi ne pas avoir procédè à la vaccination massive avant l' épidémie, plutôt qu' un abattage systématique.Ceci ne résoudra pas le problème.
Encore une négligence de l' homme et c' est l' animal qui paye un lourd tribut!