La crise nationale de dermatose nodulaire contagieuse chez les bovins alimente les débats autour de la protection des troupeaux. Alors que l’abattage de plus de 200 vaches – opéré par l’État – est en cours en Ariège, la Fondation 30 Millions d’Amis s’oppose à tout abattage massif et dénonce la radicalité du gouvernement.
Débat. Depuis un cas de dermatose nodulaire contagieuse (DNC) détecté dans une ferme en Ariège mardi 10 décembre 2025, ainsi que dans les Hautes-Pyrénées, l’abattage d’un troupeau entier fait l’objet d’une controverse dans le monde de l’élevage. Pour éradiquer cette maladie bovine – virale et mortelle pour les cheptels – le préfet de l’Ariège a opté pour une solution radicale. « Les mesures sanitaires qui s'imposent conduisent à ce que le troupeau soit abattu, c'est la meilleure solution qu'on puisse apporter. Aujourd'hui c'est la seule solution qui fonctionne (...) pour préserver le cheptel français », a déclaré Hervé Brabant au micro de Ici Occitanie le 11 décembre. Une mesure à laquelle se sont opposés plusieurs centaines d’agriculteurs, réunis autour de l’exploitation touchée.
Les agriculteurs opposés à un abattage massif
En parallèle, syndicats et chambres d'agriculture avaient proposé au ministère de l'Agriculture mercredi 10 décembre un protocole expérimental, appelant à une vaccination massive et à limiter ces abattages uniquement aux vaches contaminées. « La profession agricole demande la suspension immédiate du dépeuplement systématique et la mise en place d’un protocole expérimental, complémentaire aux mesures prévues par l’arrêté préfectoral en vigueur. », avait écrit la Chambre d’Agriculture d’Ariège dans un communiqué.
Ce cas recensé de DNC n’est pas isolé. Fin juin, un premier foyer épidémique était apparu en Savoie. « Depuis le 29 juin 2025, la France est confrontée à une crise sanitaire d’ampleur régionale touchant les cheptels bovins, la Dermatose nodulaire contagieuse bovine », avait annoncé dans un communiqué l’Ordre national des vétérinaires le 26 août. Un autre cas a récemment été détecté dans les Hautes-Pyrénées, au même moment que les manifestations en Ariège.
Le gouvernement souhaite davantage vacciner les cheptels contre la dermatose
Selon le ministère de l’Agriculture, la situation sanitaire « est stabilisée dans la région Auvergne-Rhône-Alpes grâce à des mesures efficaces de lutte », mais reste « préoccupante » en Occitanie. « La situation nécessite le renforcement des actions pour éradiquer la maladie », affirme le ministère.
Parmi les mesures nationales renforcées jusqu’au 1er janvier 2026, la mise en place de zones de protection et de surveillance impose des restrictions de mouvements des bovins. L’État ordonne également la vaccination obligatoire des cheptels – « intégralement prise en charge par l’État » – dans les départements de l’Aude, de la Haute-Garonne, du Gers et des Pyrénées-Atlantiques.
Agriculteurs et vétérinaires divisés
Les tensions actuelles autour de l’abattage de plus de 200 vaches divisent les agriculteurs, plaidant pour une vaccination généralisée et la protection des troupeaux, et les vétérinaires, qui soulèvent que ces demandes ne sont pas suffisantes. « Aussi dure et difficile soit la décision d’abattre pour des raisons sanitaires des animaux sains d’apparence de l’unité épidémiologique contaminée, aussi nécessaire est-elle en complément de la stratégie vaccinale et du respect des règles de biosécurité ! », s’était positionné l’Ordre national des vétérinaires fin août 2026.
L’abattage de cheptels entiers, non contaminés, ne peut être la solution alors que des vaccins existent.
Reha Hutin
Un argument repris par Jeanne Brugère-Picoux, professeure honoraire de l’École vétérinaire d’Alfort (94) au micro de France Info le 11 décembre : « La réglementation européenne n’est pas faite pour abattre des animaux. Si on peut l’éviter, au contraire, c’est formidable. C’est une maladie tellement contagieuse que si vous avez un ou deux cas dans un troupeau, c’est que vous en avez d’autres qui sont en incubation (…) On condamne un troupeau pour – peut-être – éviter la contamination de multitude de [cheptels] ».
À l’inverse, l’Œuvre d’Assistance aux Bêtes d’Abattoirs (OABA), déplore toute solution d’abattage. « L’opinion publique soutiendra toujours davantage des vétérinaires qui soignent et vaccinent que ceux contraints d’abattre (…) C’est une logique de facilité. On préfère abattre massivement sur un doute plutôt que de tester le cheptel. L’OABA demande la vaccination généralisée depuis 6 mois ! »
La Fondation 30 Millions d’Amis opposée à tout abattage massif
Face à la controverse, la Fondation 30 Millions d’Amis réagit à son tour, s’étonnant de tant de radicalité : « Nous comprenons que les animaux infectés, s’ils ne peuvent être soignés, soient abattus mais l’abattage de cheptels entiers, non contaminés, ne peut être la solution alors que des vaccins existent, tranche Reha Hutin, Présidente de la Fondation 30 Millions d’Amis. Le choix de la France est dicté par la rentabilité. » Car, jusqu’à présent, « la vaccination n’était pas généralisée car elle empêchait l’export d’animaux vers d’autres destinations », rappelle-t-elle.
Malgré les oppositions, l’abattage de plus de 200 vaches en Ariège a commencé. Pour Guilhem Boudin, 56 ans, ancien céréalier en Ariège, interrogé par l’AFP vendredi 12 décembre 2025, cette opération est « quelque chose de stupide ». « Une bête était réellement malade. Elle est morte. Et au lieu de faire un ciblage en fonction des bêtes malades et d'abattre au fur et à mesure, ils veulent tout abattre », regrette-t-il.
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