Adoptée mardi 8 juillet 2025, la loi Duplomb comporte des mesures allant à l’encontre de la vie sauvage et de la santé humaine. La Fondation 30 Millions d’Amis dénonce un recul irresponsable et un coup porté aux combats en faveur du climat et de la protection animale.
« Recul inédit », « dangereuse », « rétrograde »… La loi Duplomb, adoptée mardi 8 juillet 2025 à l’Assemblée nationale malgré les nombreuses mobilisations contre le texte, suscite la controverse. Portées par sénateur Laurent Duplomb (LR), ces dispositions législatives « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » font suite à la colère et aux revendications portées par les agriculteurs durant l’hiver 2024. Mais les réponses apportées à cette crise – divisées en sept articles dans la proposition de loi - sont très contestées par les scientifiques et les ONG, dont la Fondation 30 Millions d’Amis.
Réintroduction de néonicotinoïdes…
Entre autres, la réintroduction de l’acétamipride, un pesticide néonicotinoïde interdit en France en 2018 en raison de sa responsabilité significative dans l’effondrement des populations d’abeilles - indispensables aux écosystèmes - et son impact sur la santé humaine. Si l’Hexagone a anticipé son interdiction, ce pesticide reste cependant autorisé dans l’Union européenne (UE) jusqu’en 2033. Un écart perçu comme une « concurrence déloyale » avec les autres producteurs européens par la Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles (FNSEA).
Mais « au lieu de prendre en compte la santé, [la loi Duplomb] prolonge la dépendance à un modèle toxique », avait alerté Franck Rinchet-Girollet, porte-parole d'Avenir santé environnement à l’AFP, avant l’adoption du texte. La loi Duplomb réautorise désormais, à titre dérogatoire, l’acétamipride jusqu’en 2033. « Réautoriser des néonicotinoïdes interdits qui empoisonnent les milieux naturels en décimant insectes et oiseaux, c’est cracher au visage de celles et ceux qui œuvrent chaque jour à préserver ce qu’il reste de vivant », a réagi la LPO dans un post Facebook.
… en dépit des alertes de tous bords
En dépit de la toxicité du produit, la ministre de l’Agriculture Annie Genevard affirmait, lors de la matinale de TF1 le lundi 30 juin 2025, que ce néonicotinoïde n’est pas jugé « dangereux pour l’environnement et la santé humaine par les scientifiques européens ». Pourtant des experts contredisent ses propos. Dans une lettre ouverte, un millier de médecins, soigneurs et scientifiques insistent : l’impact des pesticides sur les pollinisateurs et la santé humaine n’est plus à prouver. « La ré-autorisation de certains néonicotinoïdes, ces insecticides “tueurs d’abeilles” ainsi que des substances ayant un mode d’action similaire inquiète aussi bien le monde de la santé que celui des apiculteurs, ont-ils déclaré le 5 mai 2025 aux ministres de la Santé, de l’Agriculture, du Travail et la Transition écologique. « C’est une bombe à retardement pour les pollinisateurs et la santé publique », ajoute Christian Pons, apiculteur dans l’Hérault, dans un communiqué de l’Union nationale de l’Apiculture française (UNAF).
Les députés ont démontré que les preuves scientifiques n’avaient aucun poids face au lobby de l’agrochimie et de l’agro-industrie.
Christophe Marie
La Fondation 30 Millions d’Amis condamne à son tour la régression portée par la loi Duplomb, délaissant l’intérêt de la vie sauvage et de la santé humaine. « Les députés ont démontré, par leur vote de mardi, que les preuves scientifiques, les témoignages de victimes, les conséquences dramatiques des élevages intensifs sur les animaux et le monde paysan, tous ces témoignages affolants et documentés n’avaient aucun poids face au lobby de l’agrochimie et de l’agro-industrie.», déplore Christophe Marie, Directeur des Affaires nationales et européennes à la Fondation 30 Millions d’Amis.
L’élevage intensif encouragé
Dans son article 3, la loi Duplomb prévoit également plusieurs mesures facilitant l’agrandissement d’élevages intensifs et la création de méga fermes.
La France condamne à mort les petites exploitations au profit d’élevages toujours plus importants.
Christophe Marie
Pour rappel, les élevages intensifs les plus imposants en France sont considérés comme des ICPE – des Installations Classées pour la Protection de l’Environnement. Pour toute construction de ferme-usine, le projet doit être soumis à une évaluation environnementale obligatoire. En d’autres termes, il s’agit d’évaluer la conformité de l’élevage avec la législation concernant le bien-être animal. En approuvant la Loi Duplomb, le gouvernement réajuste le seuil d’évaluation environnementale, valables pour « les projets destinés à l’élevage de bovins, de porcs ou de volailles » [Article 3].
Ainsi la nouvelle législation « rend l'évaluation environnementale plus rare, en soumettant uniquement les plus gros élevages, détenant 3 000 cochons, 85 000 poulets ou 60 000 poules pondeuses, à une procédure d'autorisation, explique Christophe Marie. Au lieu de défendre une agriculture de qualité, la France condamne à mort les petites exploitations au profit d’élevages toujours plus importants, toujours plus polluants, toujours plus maltraitants. »
Intérêt général et protection animale sacrifiés au profit de lobbies industriels
Après le vote des députés, la Fondation 30 Millions d’Amis s’inquiète des conséquences sanitaires et environnementales de la loi Duplomb. L’avenir des pollinisateurs, ainsi que de milliers d’animaux d’élevage, est mis en péril. « Nous constatons un recul sur les combats en faveur du climat et de la protection animale », s’alarme Christophe Marie. Ce texte n’est ni plus ni moins qu’un retour en arrière, presque dix ans après l’adoption de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, censée « faire de la France le pays de l’excellence environnementale ».
Face à une telle dégradation de l’environnement et de la santé humaine, la Fondation 30 Millions d’Amis accentue son action auprès des décideurs publics pour défendre les attentes sociétales des citoyens. Selon le baromètre de la Fondation 30 Millions d’Amis, 67 % des Français considèrent que la cause animale est mal défendue par nos politiques (Ifop – 2025). « Preuve en est, l’intérêt général et la protection animale semblent sacrifiés au profit de lobbies industriels », regrette Christophe Marie.
Commenter
Vous souhaitez déposer un commentaire dans cette liste de discussion ? Pour ce faire, il faut vous créer un compte. La création de compte est GRATUITE : Créez votre compte ou bien identifiez vous.
0 commentaires