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Biodiversité

Un abri pour hippocampes dans le port du Bassin d’Arcachon : le « Oui, mais » des scientifiques

Un mois après l'immersion de l'abri, les plongeurs ont eu la belle surprise d'observer un premier hippocampe sur la structure. /©Nettoyeurs subAquatiques (NSA) de la Teste-de-Buch (Gironde)

Les plongeurs de l’association des Nettoyeurs subAquatiques (NSA) de la Teste-de-Buch (33) ont installé courant juin 2024 un abri pour hippocampes dans le port du Bassin d’Arcachon. Un projet pour la jeunesse et la préservation de l’espèce qui ne convainc pas tout le monde. 30millionsdamis.fr fait le point avec les experts du domaine.

Un abri pour hippocampes, « quelque part dans le port d’Arcachon »… L’emplacement exact reste un demi secret car, « ce n’est pas un lieu de visite où l’on va faire des photos sous l’eau parce qu’il y a de l’hippocampe et que c’est beau », insiste Olivier Linardon, président de l’association des Nettoyeurs subAquatiques (NSA) de la Teste-de-Buch (Gironde), contacté par 30millionsdamis.fr. « On a fait ça pour les jeunes ! »

Conservation de l’hippocampe et sensibilisation des nouvelles générations

Le 18 juin 2024, une structure de 200 kg construite pour les hippocampes, en collaboration avec le port d’Arcachon, a été mise à l’eau sur le site portuaire par les plongeurs du NSA. Cet « hôtel » pour cheval marin vise à protéger l’espèce et à lui offrir un lieu de vie adéquat car la zostère – cette plante marine dans laquelle l’animal aime se cacher – a subi une grande diminution depuis le début des années 2000. 84 % de la surface des herbiers de zostère marine et 45 % de la surface des herbiers de zostère naine ont été perdues depuis le début du siècle, selon l’Office français de la biodiversité (OFB).

L'abri pour hippocampes, juste avant d'être immergé. /©Capture d'écran site ville d'Arcachon

Cet abri sert également à sensibiliser : « L’objectif de la structure est de permettre à l’hippocampe de s’y protéger. De notre côté, chaque mois, on part l’étudier avec les jeunes de l’association pour recenser les individus, rédiger des fiches d’observation... »

Fabriquée à partir de caissons posés les uns sur les autres avec des cadres en bois tout autour de manière à y intégrer des tiges reproduisant la zostère, tout a été fait pour essayer d’imiter l’habitat naturel de l’hippocampe. Pour autant, ce projet laisse certains spécialistes perplexes, comme Patrick Louisy, auteur de Hippocampes : Une famille d'excentriques (Biotope Editions, 2019) : « Je pense qu’il y a plus utile à faire pour la préservation de l’espèce », confie-t-il à 30millionsdamis.fr.

Selon lui, il faut s’interroger sur les moyens à mettre en œuvre pour « que les herbiers reviennent à un niveau convenable pour l’équilibre général du bassin ». Parmi les pistes à explorer, Patrick Louisy avance qu’il faudrait « dans les lagunes elles-mêmes, qui sont des zones de forte densité d’hippocampes, faire tout ce qu’il faut pour limiter les apports susceptibles de dégrader la qualité de l’eau (la pollution au sens strict mais aussi les apports de nutriments par les eaux de ruissellement, les pluies, les rivières qui peuvent provoquer des catastrophes). »

« Pas de retours scientifiques sur l’efficacité de ce type de projet »

Même réserve pour Thomas Fauvel, du Parc naturel marin du Bassin d’Arcachon : « Il n’y a pas de retours scientifiques sur l’efficacité de ce type de projet », explique-t-il à 30millionsdamis.fr. Mais il « salue bien évidemment la démarche éducative ». Le Parc naturel est investi dans différents projets visant la restauration des herbiers et travaille avec les ostréiculteurs pour rendre les méthodes de culture plus compatibles avec les plantes : « On a par exemple accompagné la transition vers des mouillages (ndlr : manœuvre qui consiste à immobiliser le bateau en mer, grâce à une ancre, chaine ou cordage) de moindre impact, car ils peuvent être très destructeurs pour les herbiers », insiste T. Fauvel. Une initiative menée parallèlement à une réflexion concernant la qualité de l’eau et la mise en place de projets « de restauration active par semis, par transplantation, par ingénierie écologique pour essayer de faire revenir ces herbiers sur des secteurs où ils ont disparu ».

« Pour moi, il fallait faire quelque chose »

Face à ces prises de distance de la communauté scientifique sur l’abri immergé au port d’Arcachon, Olivier Linardon, l’un des lanceurs du projet, se défend et assume : « Cette idée est partie d’un mouvement spontané... et sans grands moyens financiers. Pour moi, il fallait faire quelque chose. Au cours de nos plongées, on voyait régulièrement des hippocampes vers le port, donc on veut essayer de voir si on peut avoir un impact sur cette population, sans se prétendre scientifiques. On a fait avec notre budget, qui était très réduit. »

©Nettoyeurs subAquatiques (NSA) de la Teste-de-Buch (Gironde)

Un mois après l’installation, l’une des expéditions menées au plus près de cette petite habitation sous-marine a déjà révélé une surprise ! « On a trouvé un premier hippocampe femelle sur la structure, c’était magique. Nous l’avons prénommée « Cléopâtre », se réjouit Olivier Linardon. Malheureusement nous ne l’avons pas revue les deux fois suivantes. » Mais rien d’anormal selon lui ; il est possible que l’hippocampe « puisse se cacher et complètement disparaitre. Ce sont des animaux qui se camouflent très bien. Ils se laissent couler, donc on a l’impression que c’est une algue. » Sans compter que « la visibilité dans le bassin est parfois difficile », ajoute le plongeur.

En observant les photos sous-marines de l’abri faites par les Nettoyeurs subAquatiques (NSA), Patrick Louisy voit tout de même des raisons d’être optimistes quant au développement d’une population d’hippocampes. « Ce qui est certain, c’est qu’il faut du temps pour qu’une structure comme ça soit attractive. Là, on voit qu’il commence à y avoir des petits organismes qui s’accrochent sur les baguettes en bois ou sur le grillage : ce qui veut dire que c’est en voie de devenir potentiellement acceptable par des organismes marins. » L’avenir et les futures plongées devraient apporter sans doute plus de réponses.