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Débat

Des projets d’« usines à saumon » décriés en Bretagne et en Gironde

Image d'illustration, d'un élevage en mer. La densité ici visible est donc inférieure à la densité projetée dans les projets du Verdon et de Plouisy. ©Adobestock.

Deux sociétés cherchent à ouvrir des « fermes-usines » pour produire, en France, du saumon à échelle industrielle. Dans les deux cas, elles suscitent localement d’importantes divisions. Dans les deux cas, la question du bien-être animal est absente. 30milliondamis.fr revient sur les enjeux de ces projets d’élevage intensif de poissons.

C’est une histoire au long cours. L’entreprise Pure Salmon projetait initialement d’implanter une ferme-usine dans le boulonnais. Ambition finalement abandonnée… pour mieux rebondir en Gironde, au Verdon-sur-mer, où l’entreprise a initié des démarches pour implanter un projet similaire. La société Smart Salmon veut, quant à elle, exploiter une ferme-usine de production de saumon à Plouisy, dans les Côtes d’Armor. Les deux installations sont encore au stade des études (les demandes d’autorisation ne sont pas encore déposées) et des collectifs se sont constitués pour en empêcher l’implantation. En face, des élus locaux et des habitants y voient une promesse de développement pour leurs territoires. Au milieu, des saumons, dont le bien-être est très peu évoqué dans les discussions, alors même qu’il s’agit d’une espèce sentiente.

Élevage très intensif !

Ces deux desseins se ressemblent à beaucoup d’égards, et ont en particulier un point commun : ils visent une productivité très intense, au détriment des conditions de vie des saumons qui y seront élevés. Qu’on en juge : alors que la France compte actuellement un peu plus de 600 sites d’aquaculture piscicole pour un tonnage global annuel d’environ 46 000 tonnes, les deux projets additionnés représenteraient un peu moins de 20 000 tonnes de saumon par an (10 000 tonnes pour le site du Verdon, 8 000 pour celui de Plouisy, selon les annonces des deux entreprises). Soit un peu plus du tiers de la production française annuelle totale de poissons d’élevage, produits sur à peine deux sites. Il s’agit bel et bien d’élevage très intensif !

Des techniques nouvelles…

Gautier Riberolles, chargé d’études bien-être animal pour l’ONG Welfarm, partenaire de la Fondation 30 Millions d’Amis, explique : « Ces deux projets reposent sur une technologie d’élevage récente : le « RAS intégral » [pour « Système de recirculation en aquaculture] qui permet de faire de l’élevage totalement à terre grâce à un système de filtration de l’eau qui permet son recyclage et donc d’avoir de l’eau en circuit fermé sur l’ensemble des étapes de l’élevage ».

C’est en cela que ces élevages ont quelques chose de nouveau, et c’est d’ailleurs aussi l’argument principal des deux sociétés pour « vendre » leur projet: leur fonctionnement en circuit fermé serait bien plus respectueux de l’environnement. Gautier Riberolles confirme pour partie : « Le principal avantage de cette technologie est la biosécurité : classiquement l’élevage des saumons se fait en mer, dans des cages marines, ce qui crée un problème de transmission de pathogènes des saumons d’élevage vers les saumons sauvages ».

 

La principale problématique est celle du bien-être animal

Gautier Riberolles, chargé d'études bien-être animal pour l'ONG Welfarm.

Il complète : « Il y a aussi la question de la pollution génétique des espèces sauvages, car certains individus élevés s’échappent des cages et se reproduisent avec des individus sauvages ; or leur génome ne sont pas tout à fait identiques et les gènes des saumons d’élevage affaiblissent les saumons sauvages, les rendant moins aptes à survivre dans leur milieu naturel ». Le fait que l’ensemble du cycle d’élevage se passe à terre, sans que les eaux libres ne soient impactées est donc en effet en partie vertueux. Mais c'est l'arbre qui cache la forêt, tant les inconvénients sont lourds pour les saumons.

… pour des conditions plus cruelles

Gautier Riberolles affirme en effet que « la principale problématique, à [ses] yeux, est celle du bien-être animal. La technique envisagée requiert des investissements massifs, ce qui rend indispensable d’élever les saumons dans des densités très importantes ». Là est le vrai problème : les poissons vivront dans des conditions des plus cruelles, même au regard des standards – déjà discutables – de l’industrie. Ce que confirme Gautier Riberolles : « certaines préconisations issues de la littérature scientifique sur le bien-être des saumons indiquent qu'il ne faudrait pas dépasser 22 kilogrammes de saumons par mètre cube d'eau, voire même 10 Kg/m3. En Norvège, la règlementation de protection animale impose de ne pas dépasser une densité de 25 Kg/m3 dans les élevages de saumon en mer. Un rapport de 2012 de l'Association internationale des éleveurs de saumons mentionne des ordres de grandeurs autour de 50-80 Kg/m3 dans les élevages de saumon en RAS intégral. Je ne sais pas quelle est la densité projetée dans ces élevages, mais Pure Salmon exploite déjà un élevage RAS en Pologne, où ils ont testé des densités allant jusqu'à 175Kg/m3 ». Plus du double des ordres de grandeurs habituels, et presque neuf fois les ordres de grandeur recommandés…

 

Il faudrait plutôt améliorer les pratiques dans les élevages existants

Gautier Riberolles, chargé d'études bien-être animal pour l'ONG Welfarm.

Et puisque l’impératif de rentabilité est ici très prégnant, il y a peu de doutes quant au fait que la densité finalement retenue sera effectivement importante. Il ne s’agit d’ailleurs pas du seul problème, puisque les saumons étant des poissons carnivores, il est nécessaire de les alimenter au moins en partie avec des huiles et farines de poissons. Or, ces produits sont issus de poissons pêchés en mer, ce qui renvoie aux problématiques habituelles de la pêche industrielle dans des océans déjà à bout de souffle.

Quant aux alternatives à cette alimentation, Gautier Riberolles rappelle que « cela pose la question des carences pour les saumons, donc pose encore une difficulté en termes de bien-être animal ». Enfin, Welfarm souligne que ce type de technologie peut aussi entraîner des épisodes de mortalité de masse, et offre aux saumons moins d’espace disponible que l’élevage en mer (la profondeur de l’eau est très inférieure).

Des alternatives à développer

Pour autant, promoteurs et soutiens des projets avancent que la France est friande de saumon et qu’il faut donc bien produire quelque part, l’essentiel des produits actuellement consommés étant importés. Si Gautier Riberolles en convient, il rappelle néanmoins que des alternatives existent : « Pour nous, il faudrait plutôt se concentrer sur l’amélioration des pratiques dans les élevages existants, d’une part, et utiliser des espèces herbivores, d’autre part. » Il est urgent, en effet, qu’émergent des alternatives plus respectueuses du bien-être des poissons en général et des saumons en particulier. La Fondation 30 Millions d’Amis, partenaire de Welfarm, espère que ces projets titanesques ne verront pas le jour, et que des alternatives émergeront.